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La vie littéraire,
une éloquence intempestive

Le one-man show de Mathieu Arsenault à La Chapelle ébahit par son audace et sa créativité

Par Luc Archambault

La vie littéraire ne ressemble pas à une pièce de théâtre, plutôt à un long discours, mais sans longueur aucune. Un seul « comédien », une scène nue, aucun artifice. Ici, le mot est à l’honneur, tel le Verbe biblique. Et le Verbe se fait chair en la personne de Mathieu Arsenault, ce personnage un peu incongru qui vit une androgynie explicite car il ne cesse de s’auto-référer au féminin, sans en adopter les traits. Un exercice de haute-voltige, des mots, des mots, et encore des mots.

À l’intersection entre la conférence, la confession et le stand-up, ce spectacle riche en imagination laisse pantois tellement le texte est nourri, dense et touffu, dru et dur à la fois. Devant tant de mots, il serait certes préférable de se référer à l’œuvre littéraire derrière cette création, soit le livre La Vie Littéraire, paru aux éditions Le Quartanier en 2014. Face à un tel amas d’information, la mémoire défaille… quoi qu’il en soit, le comédien aborde ‘sa’ vie littéraire, son processus créatif, la réalité post-moderne, ‘sa’ féminité’, son rapport avec les autres, le regard des autres, la solitude, l’isolement.

À l’intersection entre la conférence, la confession et le stand-up, ce spectacle riche en imagination laisse pantois tellement le texte est nourri, dense et touffu, dru et dur à la fois.

La vie litrtéraire WestmountMag.caMême la pseudo-entrevue de la deuxième partie ne constitue en aucun cas un dialogue mais seulement un prolongement de l’apparente incohérence de la première partie, l’intervieweur ne servant qu’à mettre en contraste ses questions et les réponses déjantées de Mathieu Arsenault. Le texte est donc primordial ici. Avoir eu vent de cet impératif, je me serais présenté à La Chapelle muni d’une copie du livre… mais ç’aurait été tricher et court-circuiter le propos et le but de ce spectacle que d’agir ainsi.

Car à défaut de s’en remettre au texte brut tel que publié, nous devons porter attention aux mots, aux phrases qui défilent telles des rafales de mitraillette durant une bonne heure, sans pause, sans silence. Cette logorrhée est comme une lave brûlante, à en perdre toute signification au fil de l’amassement de vérités et de mensonges car, au bout du compte, que reste-t-il de tous ces mots ? Un profond sentiment d’excellence, de maîtrise d’un texte qui compte moult hauts et bas, profondeurs et superficialités, et qui se veut comme une attaque en règle contre l’industrialisation de la culture (surtout de la littérature).

Ce spectacle semble se vouloir une massue contre la modernité économique, contre ce déterminisme réducteur de la commercialisation à outrance, contre la mainmise du capital sur la quête culturelle pure et dure. Comment, en effet, pourrait-on lire autrement ce brûlot théâtral, sinon comme un affront direct aux scènes dites conventionnelles, avec leur fla-fla populo et le nivellement de la pensée critique qui ne mise que sur la popularité et sur la facilité à la P’tite Vie. Ce ‘discours’ s’avérera, somme toute, assez difficile à assimiler pour les cerveaux pré-formatés des spectateurs dits normaux qui ressortiront de ce spectacle la tête encore vide d’idées mais pleine d’échos et de réverbérations de ces phrases assassines.

‘Ce spectacle semble se vouloir une massue contre la modernité économique, contre ce déterminisme réducteur de la commercialisation à outrance.’

De quoi roter leur souper haute-gamme ingéré dans un resto fashion, et s’assurer ainsi du bon fonctionnement de leur système digestif. Auront-ils développé une meilleure appréciation de l’Art, de la Culture ? Pas sûr. Mais les initiés, eux, jubileront, et en redemanderont encore et encore. Mathieu Arsenault s’impose donc comme un nom à surveiller, et ce dès maintenant. Il est à découvrir et à suivre.

La Vie Littéraire est présentée au théâtre La Chapelle jusqu’au 31 mars.

Images : Arnaud Ruelens-Lepoutre


Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.

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