À la découverte des arbres
du parc Westmount /2
La révélation des anecdotes fascinantes qui se cachent derrière les arbres magnifiques du parc
Par Michael Walsh
4 mai 2022
Les gens aiment se promener dans le parc Westmount pour admirer la variété de beaux arbres matures, mais ils ne connaissent pas leur nom et leur origine. Promenons-nous dans le parc pour les identifier et découvrir les anecdotes qui se cachent derrière ces arbres magnifiques. En effet, apprécier la véritable beauté des arbres du parc Westmount nous démontre que certaines choses que nous considérons comme banales sont en fait véritablement exotiques !
Les sapins blancs et les cavités dans la neige
Cet hiver, avez-vous remarqué les cavités dans la neige du parc Westmount ? C’est l’endroit préféré de mon chien pour explorer durant la saison hivernale. Elles sont situées sous six magnifiques sapins blancs (Abies alba) adjacents aux courts de tennis en terre battue du parc Westmount. À cette époque de l’année, leurs branches sont inclinées vers le bas, créant un mur de neige et des coins sans neige.

Sapins blancs (Abies alba)
Également connus sous le nom de sapin pectiné ou Weißtanne, ils ont une couleur argentée frappante, car la face inférieure de l’aiguille contient deux lignes blanches parallèles adjacentes à leur nervure médiane. L’écorce est gris-argenté et les branches les plus hautes portent des cônes verticaux en forme de tonneau comme pour tous les vrais sapins. Les écailles du cône tombent à la maturité, laissant la partie vide attachée à l’arbre. Leurs couronnes sont initialement coniques et s’aplatissent avec le temps – on les appelle souvent des “nids de cigognes”. La forme de l’arbre a été décrite comme une pagode chinoise avec de grands cônes qui pendent comme des cloches.
L’habitat d’origine de ces arbres se trouve dans les zones montagneuses d’Europe centrale et méridionale. Ici, leurs cavités de neige offrent aux lièvres d’Amérique une protection pendant la saison hivernale. De grands bosquets de sapins blancs existent encore dans les Vosges, en Alsace, et sont protégés dans le Parc naturel régional des Ballons des Vosges.
En Europe du Nord, le sapin blanc est considéré comme un arbre de naissance. En vieil irlandais, l’arbre est nommé ailm – en relation avec le mot “palm” ou palmier, l’arbre de naissance du Moyen-Orient, d’où naît le phénix (un oiseau qui subit une mort ardente et renaît de ses cendres). En grec, l’arbre est nommé elate d’après Eileithyia (Elate-Thuia), la déesse de l’accouchement qui manie symboliquement une torche de pin enflammée.
La mythologie grecque raconte l’histoire de Pan, le dieu des bois et des pâturages, poursuivant la nymphe Pitys qui évite la capture en se transformant en sapin. Incapable d’attraper sa proie, Pan enlève une branche de l’arbre et, à partir de ce jour, la porte toujours comme une couronne. Les chants plaintifs de Pitys se font cependant entendre lorsque le vent souffle dans les branches de l’arbre.
Les Égyptiens utilisaient le brai dans leurs processus d’embaumement et de momification dès 2200 avant notre ère.
Jadis, les gens croyaient que ces arbres pouvaient conférer des pouvoirs de guérison. Par exemple, à Sonnenberg, en Allemagne, les personnes souffrant de la goutte faisaient un nœud sur un rameau et disaient : « Dieu te garde, noble sapin, je t’apporte ma goutte ». En Bohême, les braconniers avaient un usage plus insidieux : ils se rendaient invisibles en ingérant les graines du cône avant l’aube, le jour de la Saint-Jean.
L’espèce a une myriade d’usages : son nom de famille Pinaceae – une famille d’arbres datant du Trias, il y a 200-250 millions d’années – est dérivé de la poix de Bourgogne issue du goudron bouillant qu’elle produit. Les Égyptiens utilisaient le brai dans leurs processus d’embaumement et de momification dès 2200 avant notre ère.
À l’époque médiévale, la térébenthine de Strasbourg, également connue sous le nom d’olio di abezzo de Toscane (du nom d’une forêt de sapins argentés dans le Hockwald), était fabriquée à partir de cette espèce. Elle était utilisée comme vernis sur les peintures à l’huile et à la détrempe mais de nombreux artistes utilisaient la térébenthine de Venise, moins chère et issue du mélèze. La térébenthine de Strasbourg était également appliquée comme vernis de protection, sur les sculptures, contre le vert-de-gris, un pigment vert qui se produit lorsque certains métaux s’oxydent.
Au 18e siècle, la poix était utilisée pour le calfeutrage et comme agent de protection du gréement des navires océaniques contre les effets néfastes des embruns salés. Un livre datant des années 1700 décrit la valeur de la poix comme suit : « … elle ne préservera pas seulement la santé de ses hommes, en les logeant au chaud et en bon état, mais elle ajoutera aussi déplacement du navire et le fera naviguer beaucoup plus vite. »
Dans les années 1800, les gouvernements prussien et autrichien ont encouragé l’utilisation d’un emplâtre cutané à base de poix de Bourgogne pour prévenir les épidémies de choléra.
Les cônes de l’arbre sont utilisés dans la production de l’huile de Templin, un parfum de pin, balsamique et d’orange douce, également utilisé comme additif dans les remèdes contre le rhume et l’arthrite. Le bois est également utilisé dans la fabrication des violons – il produit une excellente résonance. (L’épicéa de Norvège est plus couramment utilisé).
Enfin, alors que je me tiens au milieu de ces arbres dans le parc Westmount et que je regarde le chien qui explore les cavités, je me souviens d’une citation du philosophe allemand Friedrich Nietzsche :
‘Le pin semble écouter, le sapin attendre, et tous deux sans impatience, sans se soucier des petites gens qui se trouvent sous eux, dévorés par leur impatience et leur curiosité.’
– Der Wanderer und sein Schatten (Le vagabond et son ombre)
Les pins blancs du parc Westmount
En prenant des photos dans le parc Westmount, on m’a demandé à plusieurs reprises si j’étais la personne qui écrivait sur les arbres et comment cet intérêt s’est développé. Tout a commencé lorsque j’étais jeune étudiant en biologie et que je travaillais dans le cadre d’un projet de recherche parrainé par le Service canadien des forêts pour étudier l’effet dévastateur du charançon du pin blanc sur cette espèce. Les dégâts causés par le charançon entraînent l’abandon des efforts de reboisement des pins et ont un impact économique énorme sur la production de bois.

Pin blanc (Pinus strobus)
Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai pris conscience de la signification historique et spirituelle de ces arbres. Saviez-vous que le pin blanc a été le catalyseur de la révolution américaine ainsi qu’à la base de la Constitution des États-Unis d’Amérique ? (Le manque d’espace nous empêche de parler de ce dernier point).
Tout d’abord, le pin blanc (Pinus strobus) est facile à reconnaître : c’est le seul conifère dont les aiguilles sont disposées en paquets de cinq et il possède un couvert arboré remarquable qui dépasse largement celui des arbres environnants.
Dans le parc Westmount, il y a un magnifique pin blanc à l’est des courts de tennis en terre battue. Avec une circonférence de seulement soixante-huit centimètres, il se dresse comme un mât de navire au-dessus de la bibliothèque pour enfants.
En fait, c’est exactement ce que l’explorateur anglais George Weymouth envisageait dans les années 1600 lorsqu’il a vu de grandes forêts de pins blancs le long du littoral de la Nouvelle-Angleterre. (En Angleterre, on les appelle encore les pins de Weymouth). Ces arbres mesuraient plus de soixante mètres de haut, leurs troncs ne contenaient aucun nœud et ils pliaient plutôt que d’éclater sous l’effet des vents violents, ce qui en faisaient des mâts idéaux pour la Royal Navy.
Suite à cette découverte, la Couronne britannique a revendiqué tous les pins blancs d’une largeur supérieure à soixante centimètres et situés à moins de seize kilomètres d’une voie navigable. Ceux-ci étaient marqués, sur leur tronc, de la “King’s Broad Arrow” : trois marques de hachette – une ligne verticale avec un “V” inversé. Ces arbres ont fourni des mâts à la Royal Navy pendant les 125 années suivantes.
‘La Couronne britannique a revendiqué tous les pins blancs d’une largeur supérieure à soixante centimètres et situés à moins de seize kilomètres d’une voie navigable.’
Il va sans dire que les colons étaient outrés par la politique britannique qui leur refusait l’utilisation de ces arbres. Cette politique a été largement bafouée par les colons et n’a pas été pleinement imposée par les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre. Ce premier défi à l’autorité royale, connu sous le nom de “Pine Tree Riot” ou émeute du pin, dans les années 1700, a jeté les bases du Boston Tea Party et finalement de la Révolution américaine. L’importance du pin blanc dans la cause révolutionnaire américaine a été symbolisée par son inclusion sur plusieurs drapeaux (appelés Pine Tree Flags) utilisés en Nouvelle-Angleterre aux 17e et 18e siècles.
La prochaine fois que vous serez à proximité de la bibliothèque pour enfants, prenez un moment pour apprécier comment cet arbre, de petite circonférence, peut être capable d’une si grande hauteur. En fait, cette espèce a été décrite comme habitant deux mondes : la vie terrestre et le royaume du divin.
Enfin, le Québec et le Maine partageant une frontière commune, on ne peut que spéculer que l’arbre du parc Westmount pourrait être un lointain descendant d’un ancien pin blanc, situé au plus profond des forêts de la Nouvelle-Angleterre, qui porte encore les marques de la flèche du roi.
Les pins sylvestres du parc Westmount
Ceux d’entre nous qui ont des enfants ont passé de nombreuses heures heureuses en été près de la pataugeoire du parc Westmount. L’étang lui-même a connu de nombreux changements : dans les années 1930, il était utilisé par le Model Yacht Club ainsi que par le Anglers’ Club pour s’entraîner au lancer à la ligne (Lire Lieux de Westmount: le parc Westmount d’antan).

Pin sylvestre (Pinus sylvestris)
Avez-vous remarqué les pins sylvestres près de l’étang ? Ils ont été les témoins silencieux de tous les changements survenus dans le parc et dans notre ville au fil des ans.
Le pin sylvestre (Pinus sylvestris) est l’un des arbres les plus faciles à reconnaître avec ses branches basses, son écorce écailleuse brun rougeâtre et ses aiguilles au nombre de deux par faisceau.
Ses origines proviennent de la forêt calédonienne qui, à un moment donné, couvrait 1,5 million d’hectares des Highlands en Écosse. Cette forêt est un mythe légendaire – un lieu où Merlin (du royaume du roi Arthur) errait dans sa folie en se lamentant sur la futilité de la guerre, ainsi qu’un foyer de créatures mythiques et d’ermites encore inconnus.
La réserve naturelle nationale de la forêt d’Abernethy contient les derniers vestiges de la forêt calédonienne. Le pin sylvestre y est nommé “la harpe des arbres” (Clàrsach Nan Craobh) en raison des sons produits par le vent lorsqu’il souffle sur les aiguilles de l’arbre.
Ces arbres ont une longue durée de vie. En Laponie, il y en a un qui date de 1244 et la Suède en revendique un qui a au moins 700 ans.
Les druides faisaient des feux de joie avec du pin sylvestre pour éloigner le soleil lors du solstice d’hiver. Les arbres étaient également décorés d’objets réfléchissants représentant la lumière divine, ce qui, avec le temps, a donné naissance à la coutume actuelle des arbres de Noël. En effet, cette espèce, capable de conserver ses aiguilles, représente plus de 30 % du marché actuel des arbres de Noël. (L’épicéa de Norvège est plus populaire en ce moment).
‘La réserve naturelle nationale de la forêt d’Abernethy contient les derniers vestiges de la forêt calédonienne.’
Dans les Highlands, en Écosse, les pins sylvestres étaient utilisés pour marquer les lieux de sépulture des héros. En Angleterre, ils étaient utilisés pour marquer les carrefours ainsi que le périmètre des champs.
Le poète anglais William Wordsworth décrit cet arbre comme un « arbre enchanteur avec sa silhouette souvent noueuse et tordue sur fond de paysage hivernal ou d’ombres au clair de lune ».
Plus récemment, à la suite d’un sondage public, le pin sylvestre a été choisi comme arbre national de l’Écosse (le sorbier est arrivé deuxième et le houx troisième).
La prochaine fois que vous vous promènerez près de la pataugeoire du parc, écoutez patiemment les sons de l’arbre dans la brise et voyez si vous êtes d’accord pour dire que cela ressemble à une harpe celtique Clàrsach.
Le roi des arbres du parc Westmount
Avez-vous déjà remarqué les parents qui se promènent avec leurs enfants près de la passerelle de la lagune ? Ils continuent le long du sentier et leurs enfants utilisent un muret de briques, en pente comme escalier pour atteindre une hauteur égale à celle de leurs parents ! C’était l’un de nos chemins favoris pour se rendre à la cour de récréation lorsque notre fille était petite.

Chêne rouge d’Amérique au bord de la lagune
Ce que l’on oublie, en revanche, ce sont deux majestueux chênes rouges d’Amérique (Quercus rubra) qui montent la garde depuis des siècles juste derrière ce même mur de briques. En Europe, le chêne était appelés le roi des arbres. En Finlande, on les appelait l’arbre de Dieu. En tant que tels, il était très vénéré et son histoire est fascinante.
Le chêne rouge d’Amérique sur la photo mesure 2,9 mètres de diamètre, ce qui lui donne plus de 200 ans. La place des chênes dans la mythologie remonte bien plus loin dans le temps, jusqu’aux Druides et aux Grecs, en 200 avant Jésus-Christ. Les druides croyaient que les chênes étaient des portes d’entrées vers d’autres mondes et ils accomplissaient leurs rituels dans des bois de chênes. Il est intéressant de noter que les mots “chêne” et “porte” sont dérivés du sanskrit “Duir”, ce qui suggère, en partie, une entrée dans un autre royaume. Les druides croyaient également que le gui (une plante parasite), qui pousse dans les branches supérieures du chêne, était envoyé par le Ciel et ne pouvait être coupé qu’à l’aide d’une faucille d’or au cours d’une cérémonie solennelle.
Le sanctuaire de Dodone (situé en Grèce) possédait un chêne qui était sacré pour Zeus (dieu du ciel). La région était un important centre politico-religieux dans le nord-ouest de la Grèce vers 250 avant notre ère. Le bruissement des feuilles de l’arbre était expliqué par les prêtres aux croyants qui se rendaient sur ce site. En fait, une référence à ces prêtres est mentionnée dans l’épopée d’Homère, L’Iliade.
Les qualités magiques de l’arbre sont mentionnées dans les légendes de fées dansant autour de vieux chênes. La légende dit aussi que les elfes vivent dans les chênes et utilisent les trous dans leurs troncs comme portes. Une vieille rime anglaise mentionne le fait de retourner son manteau pour éloigner les fées : « Retournez vos manteaux, car les fées sont dans les vieux chênes ! »
‘Les qualités magiques de l’arbre sont mentionnées dans les légendes de fées dansant autour de vieux chênes.’
Enfin, en Angleterre, on dit que des créatures appelées “oakmen” vivent dans les gaules de chêne. Les campanules qui poussent à proximité sont un signe certain de leur présence. Les hommes-chênes offrent des champignons vénéneux, déguisés en nourriture, aux mortels de passage.
Le simple fait d’être conscient de la place qu’occupe cet arbre dans le cadre de l’histoire nous permet de l’apprécier à sa juste valeur lorsque nous traversons le parc Westmount en passant devant ces arbres magnifiques dont les glands sont éparpillés le long de notre chemin.
Image d’entête : Chênes près de la lagune dans le parc Westmount, par Andrew Burlone
Autres images : Michael Walsh
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Michael Walsh est un résident de longue date de Westmount. Heureux d’être retraité après avoir passé près de quatre décennies dans le domaine de la technologie de l’enseignement supérieur. Étudiant professionnel par nature, sa formation universitaire et ses publications portent sur la méthodologie statistique, la mycologie et la psychologie animale. Aujourd’hui, il aime se balader avec son chien tout en découvrant le passé de la ville et en partageant les histoires des arbres majestueux qui ornent ses parcs et ses rues. Il peut être contacté à l’adresse michaelld2003 @hotmail.com ou sur son blog Westmount Overlooked
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