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Le roi du vent…
ou un basashi japonais?

Comment les canadiens affectionnent-ils les chevaux?

Par Sinikka Crosland
Traduit de l’anglais par Lou Bessette

9 août 2017

Aujourd’hui, à l’ère des iPods, des applications en ligne et des jeux vidéo, je me plais à penser que nos petits Canadiens apprécient toujours les aventures qui mettent le cheval en avant-scène, telles celles de Black Beauty et Le roi du vent, précieux classiques équestres dans ma bibliothèque de souvenirs, tout comme L’étalon noir de Walter Farley, écrit il y a plus d’un demi-siècle. À dix ans, ces aventures équines ont catapulté ma vie de l’exaltation de monter sans selle un étalon galopant le long d’une plage tropicale jusqu’au profond chagrin ressenti sur la tombe de Godolphin, un cheval arabe.

A l’époque, on abordait la vie pieds nus, en buvant des sodas à 10 sous, et les bouquins sur les chevaux faisaient passer les jeunes lecteurs comme moi du rire aux larmes. Ces histoires ont fait naître mon empathie pour ces nobles animaux qui ont tiré nos traineaux et labouré nos champs. Et qui nous ont laissé les chevaucher, pour notre plus grand plaisir.

À bien des égards, les chevaux font encore partie de notre culture. Icônes bien-aimées qu’animent une ample grâce, une force olympienne et une rapidité à couper le souffle, ils excellent sur la piste de course et nous ravissent en spectacle, comme ce plaisir de voir les cavaliers de la GRC et leurs montures en parfaite unisson.

air transport of horses - WestmountMag.ca

Image : Vickie Colgan

Il ne fait aucun doute que beaucoup de canadiens aiment les chevaux. Nous admirons leur beauté, leur intelligence et leur volonté de nous servir. Mais qu’entendons-nous réellement par « servir », lorsqu’il s’agit de ces animaux? En fait, est-ce un trait « canadien » de manger de la viande de cheval?

Un très petit pourcentage de nos concitoyens le font, principalement au Québec, où certains restaurants servent de la viande de cheval et où quelques supermarchés en tiennent une provision. Certains font même le commerce de la viande chevaline, ce qui implique enchères de bétail, lieux d’engraissement et abattoirs équins. Plusieurs lecteurs seront étonnés d’apprendre qu’au Canada, plus de 50 000 chevaux sont abattus chaque année. Leur viande est ensuite expédiée vers des pays d’Europe et d’Asie pour consommation humaine.

Un aspect moins connu de ce commerce est le transport aérien de chevaux du Canada au Japon, à des fins culinaires. Nous exportons plus de cinq mille chevaux vivants chaque année vers le Japon, où ils sont abattus pour être servis sous forme de basashi (un sashimi de viande de cheval.) Cette nourriture composée de fines tranches de viande crues est considérée comme un mets très fin.

Plusieurs lecteurs seront étonnés d’apprendre qu’au Canada, plus de 50 000 chevaux sont abattus chaque année. Un aspect moins connu de ce commerce est le transport aérien de chevaux du Canada au Japon, à des fins culinaires.

wounded horse - WestmountMag.ca

Image : Animal Rights Center Japan

Typiquement des chevaux de grande taille, ces géants inoffensifs sont entassés dans de petites caisses en bois recouvertes de filets, pour leur voyage. L’horreur de l’abattage dans notre pays ne suffisant pas, l’industrie les envoie à une nation étrangère où tout contrôle canadien sur les pratiques acceptables est perdu. Ces pratiques sont déjà critiquées dans notre propre pays, du point de vue humanitaire, car les chevaux ne sont pas faciles à tuer. Des vidéos cachées ont montré jusqu’à onze tentatives « d’étourdissement » avant que l’objectif d’insensibilité n’ait été atteint. Les chevaux se battent avec acharnement pour préserver leur vie.

En outre, il est évident que leur souffrance commence bien avant l’envol vers l’étranger et l’abattoir. Au Canada, les chevaux destinés à l’abattage à l’étranger sont entassés dans des cases d’engraissement torrides. Plusieurs souffrent de blessures infectées et d’autres plaies diverses. Certains chevaux sont élevés pour consommation au Canada, mais d’autres endurent les rigueurs des enchères et des transports depuis certaines régions éloignées des États-Unis. Les photos et vidéos prises dans les lieux d’engraissement au Japon démontrent des conditions similaires d’entassement dans des locaux regorgeant de fumier infesté de mouches et d’animaux malades.

horse feed lot - WestmountMag.ca

Image : Animal Rights Center Japan

‘Des documents obtenus grâce au droit d’accès à l’information révèlent l’occurrence de nombreux cas d’accidents… l’horrible décès de six chevaux lors d’un vol… un cheval fut retrouvé à l’envers dans sa caisse.’

Les chevaux destinés à l’abattage à l’étranger quittent le Canada à partir de trois aéroports: Calgary, Edmonton et Winnipeg. Généralement, ces chevaux sont parqués dans de grands camions aux stations de quarantaine de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et ensuite déplacés vers l’aéroport. Le transfert des chevaux du camion à une caisse en bois se déroule habituellement tard dans la nuit. Les chevaux, souvent entassés à trois ou quatre par conteneur, attendent sur le tarmac jusqu’à ce que le chargement commence, généralement vers le milieu de la matinée. Aucun aliment ni eau ne leur est offert pendant qu’ils sont ainsi enfermés, et le vol vers le Japon dure de dix à douze heures. Les règlements de transport inadéquats du Canada permettent de restreindre la consommation d’aliments et d’eau des chevaux jusqu’à 36 heures. Des documents obtenus grâce au droit d’accès à l’information révèlent l’occurrence de nombreux cas d’accidents, incluant l’horrible décès de six chevaux lors d’un vol. Lors d’une autre occasion, un cheval fut retrouvé à l’envers dans sa caisse.

Pourquoi le Canada permet-il une telle souffrance est vraiment « la » grande question… à hauteur de plus de 14 millions de dollars en 2016, en fait. Ce montant équivaut à 5 839 chevaux exportés pour abattage au Japon l’année dernière.

horse airport trailer - WestmountMag.ca

Image : Voice for Animals

Ce n’est pas tout. Depuis 2012, l’industrie est critiquée pour son refus de se conformer à la loi. Le Règlement sur la santé des animaux (RSA) stipule qu’un cheval mesurant plus de 14 mains de hauteur doit être placé seul dans sa caisse, et que la tête du cheval ne doit pas toucher le plafond du conteneur. Pourtant, pas plus tard qu’en 2017, des preuves capturées sur des photographies et des vidéos aux aéroports de Calgary et d’Edmonton démontrent que ces deux règles protectrices du RSA sont systématiquement ignorées.

‘… au Canada et aux États-Unis, de nombreux chevaux qui ne sont pas élevés pour consommation humaine sont traités avec des drogues toxiques pour les humains.’

Les résidus de drogues prohibées dans la viande chevaline pour consommation humaine constituent une autre source d’inquiétude. On retrouve ces résidus dans les steaks de cheval et les basashi car au Canada et aux États-Unis, de nombreux chevaux qui ne sont pas élevés pour consommation humaine sont traités avec des drogues toxiques pour les humains. La chose est souvent négligée ou ignorée, dans l’intérêt d’un commerce rentable avec d’autres pays.

Jusqu’à ce qu’une nouvelle législation soit adoptée pour mieux protéger les chevaux, ces nobles animaux continueront d’être victimes de l’industrie de l’abattage. C’est le moment ou jamais pour les Canadiens d’écrire à leurs députés et de leur dire : « Les chevaux méritent mieux ! »

Pour plus de renseignements sur l’exportation de chevaux vivants pour abattage (et sur l’abattage de chevaux en général), et pour savoir comment vous pouvez aider, visitez defendhorsescanada.org

Image d’entête : Vickie Colgan

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Lire aussi Un détour cruel vers l’abattoir


Sinikka Crosland - WestmountMag.ca

Sinikka Crosland est une activiste pour la cause animale de longue date. Elle est la directrice générale de The Canadian Horse Defense Coalition (basée à Westbank, en Colombie-Britannique) et la co-fondatrice, ancienne présidente et conseillère de The Responsible Animal Care Society (basée à Kelowna, en Colombie-Britannique).



1 commentaire trouvé

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  1. Andrea Robertson

    Quelle honte pour le Canada! Le traitement de ces magnifiques animaux est absolument horrible! Nous devons adopter une nouvelle législation.

  2. Diane Marcotte

    Plusieurs Canadiens et Canadiennes se sentent assurément différents (supérieurs) à nos voisins du sud. Cependant, on devrait se demander comment le monde voit notre pays ? Quelle est l’opinion générale sur le Canada ?

    Nous n’avons jamais réussi à faire adopter une législation adéquate pour protéger nos animaux; la chasse barbare aux blanchons continue malgré la condamnation mondiale, et nous encourageons un commerce d’exportation des chevaux vivants vers des pays qui sont reconnus universellement pour l’abus et le mauvais traitement des animaux.

    Les questions soulevées dans l’article de l’auteur sont extrêmement graves, importantes et pénibles.

    Nous DEVONS immédiatement CESSER de promouvoir et d’encourager l’abus, la cruauté et les souffrances infligés à ces magnifiques, sensibles et intelligentes créatures.

    Je dois avouer que j’ai honte de m’identifier comme Canadienne !


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