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Salmigondis créatif
ou plongée pertinente ?

Concerts « Camille Claudel : dans l’ombre du géant » et « Escales : un piano autour du monde »

Par Luc Archambault

Semaine faste à la Salle Bourgie, avec deux concerts-spectacles. Le premier, mardi le 27 avril, intitulé Camille Claudel : dans l’ombre du géant, de Projet ClairObscur, mettant en scène Stéphanie Pothier, mezzo-soprano et idéatrice du projet, et le Quatuor Molinari. Le second, le jeudi 29 avril, Escales : un piano autour du monde, avec Louise Bessette au piano.

Camille Claudel

On se souviendra sans doute du film de Bruno Nuytten (1988), et de la renaissance de l’intérêt du public envers cette artiste, restée dans l’ombre d’Auguste Rodin. Stéphanie Pothier a voulu explorer en profondeur les thématiques de l’œuvre de Jake Heggie, Camille Claudel : Into the Fire (2012), qui s’inspire de six sculptures majeures de Claudel, et qui les relient à des épisodes biographiques ou à des éléments de sa psyché.

Stéphanie Pothier

Stéphanie Pothier – photo : Pierre Etienne Bergeron

C’est donc non seulement la musique, les chants, mais aussi les images projetées sur l’arrière-scène. En y intégrant aussi Trois chansons de Bilitis composé par Claude Debussy et un quatuor à cordes de Germaine Tailleferre, tous deux contemporains de Camille Claudel (et ami dans le cas de Debussy), madame Pothier cherche à légitimer le travail de cette artiste trop méconnue, et par le fait même revendiquer la redécouverte des joyaux de toutes ces créatrices ayant vécu dans l’ombre de géants masculins.

Noble cause, noble projet. Mais la pièce centrale derrière ce concert, l’œuvre de Jake Heggie, est écrite et interprétée en anglais, alors que Camille Claudel s’exprimait en français. Pour moi, ce pari tient de l’hétérodoxie. On ne peut détourner la pensée d’une artiste ainsi, surtout lorsque l’on se targue de vouloir la réhabiliter. Il s’agit même d’un manque de respect envers Camille Claudel, une réappropriation culturelle contre laquelle une artiste de la trempe de Stéphanie Pothier aurait dû s’insurger, ou du moins en faire état. Mais non, malheureusement, ni dans le texte de présentation qu’elle a rédigé, ni pendant le concert, cette notion de réappropriation n’est mentionnée.

Escales : un piano autour du monde

Quant à Escales : un piano autour du monde, de Louise Bessette, on parle ici de onze pièces de compositeurs divers. Et c’est là où le bat blesse. Le choix de ces compositeurs laisse songeur, surtout dans la composition de ce concert.

Louise Bessette

Louise Bessette – photo : Robert Etcheverry

On commence par China gates de John Adams, une pièce subtile et mystérieuse. Mais qui est suivie de Golliwog’s Cakewalk, tiré de Children’s Corner de Claude Debussy, une pièce d’une vulgarité, d’une lourdeur commune qui nous ramène sur le plancher des vaches après l’aérien Adams. On passe ensuite à Colonial Songs, de Percy Grainger, qui nous permet de respirer après l’horrible Debussy. Pour passer ensuite à Franz Liszt et ses Cloches de Genève, tiré des Années de pèlerinage : première année (Suisse), une pièce méditative qui laisse entrevoir la lumière au travers des nuages dans un paysage helvétique.

Mais toute cette mise en place méditative est encore une fois ébranlée par un trop puissant Moussorgski (La grande porte de Kiev, des Tableaux d’une exposition). Anthony Rozankovic suit avec La jungle jongle, avec juste assez de spleen pour rendre cette pièce intéressante. Suivra Astor Piazzolla avec Adios Nonino, où madame Bessette fait montre de sa technique pianistique, en cette pièce où règne une sensibilité toute sud-américaine. Puis Wim Statius Muller suit avec Nostalgia, une pièce où règne une facilité thématique flagrante, une trop grande rondeur dans les mélodies. Charles Ives et The Alcotts, tiré d sa Sonate pour piano no 2 Concord, Mass 1840-60) s’installe, nonchalamment, et est suivi de la paraphrase sur le thème de L’âme à la tendresse de François Dompierre. Le concert se termine sur la piètre pièce La Vieille Capitale, de Maurice Dela, qui aurait mieux fait de rester sur la table à dessin lors de la concoction de cette sélection.

Je ne comprendrai jamais les interprètes qui ne savent tisser un concert cohérent à partir de pièces diverses. Une thématique, oui ; mais un bon concert sait allier à la fois les exigences thématiques et les montées et descentes musicales. Un voyage autour du monde ne devrait pas sacrifier la construction chromatique du concert pris dans son ensemble. Surtout qu’avec la pandémie, le temps de rumination aurait dû être maximisé, et non pas se terminer par ce salmigondis malheureux.

Image d’entête : Courtoisie Salle Bourgie

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Luc Archambault WestmountMag.ca

Luc Archambault, écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, est revenu s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.

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