La Bohème de Giacomo Puccini
à l’Opéra de Montréal
Une répétition générale en compagnie de jeunes amateurs de musique très enthousiastes
Par Luc Archambault
L’Opéra de Montréal a tenu jeudi 18 mai une impressionnante répétition générale de sa plus récente production, La Bohème, le fameux opéra en quatre actes de Giacomo Puccini, défrayant la vie de jeunes artistes dans le Paris de la fin du XIXe siècle. Alors que certains pendants de cette histoire peuvent sembler d’un autre âge, sinon clairement vétusques (l’opéra a été créé en 1896) le thème central de l’Amour en tant que raison de vivre demeure universel.
L’œuvre que nous a laissé ce compositeur est un testament de la brillance artistique de son talent musical qui fait en sorte que cet opéra tient toujours l’affiche partout dans le monde encore de nos jours. Mais qu’en est-il de cette nouvelle version de la production de cet opéra ? Un ensemble stellaire compose sa distribution, qui comprend comme protagonistes principaux France Bellemare dans le rôle de Mimi, Luc Robert jouant Rodolfo, Justin Welsh jouant Marcello, et Lucia Cesaroni jouant Musetta.
L’œuvre que nous a laissé ce compositeur est un testament de la brillance artistique de son talent musical qui fait en sorte que cet opéra tient toujours l’affiche partout dans le monde encore de nos jours.
Il existe une règle d’or chez les chanteurs d’opéra : ceux-ci doivent protéger leur instrument principal, leur voix, et les chanteurs peuvent donc décider de s’abstenir de chanter à pleine voix certains passages de l’œuvre, spécialement lors de répétitions. Cette pratique, dans les termes du métier, se nomme le ‘marquage’ (on dit qu’ils ‘marquent’ tel ou tel passage). Pendant la répétition générale, on a pu entendre France Bellemare ‘marquer’ certains airs, puisque sa voix semblait par moment plutôt faible, surtout lorsque comparée à celles de ses acolytes. Mais lorsqu’elle entonnait un air de tout son registre, sa voix magnifique faisait trembler l’auditoire. Cependant, lorsque l’on comparait son chant à celui de Lucia Cesaroni, sur les bases de cette seule générale, on pouvait se demander s’il n’y avait pas eu une erreur de casting car Cesaroni possède une présence scénique marquée, une voix qui tonne, et elle peut jouer un rôle de femme forte, même s’il ne s’agit que d’un rôle secondaire. Je demeure néanmoins persuadé que madame Bellemare saura gagner les cœurs de tous les auditeurs qui seront présents lors des représentations admirables de cet opéra de Puccini.
La seule ombre au tableau, aussi mineure soit-elle, touche la logique derrière la conception des décors. Je suis bien conscient que l’Opéra de Montréal n’opère pas avec un budget illimité. Mais il y a une lacune, selon moi, au niveau de l’imagination derrière cette conception scénique. Alors que trois des quatre actes se déroulent à l’intérieur, le premier et le dernier dans une mansarde, le second au Café Momus, le troisième acte se passe à une guérite surnommée « la Barrière de l’Enfer ». Et c’est là, dans l’arrière scène, où réside le problème. Pour les trois actes se déroulant à l’intérieur, nous voyons Paris au loin, à travers une verrière, et nous voyons la même arrière-scène lors du troisième acte. N’aurait-il pas été plus à propos de laisser tomber la verrière et de ne voir que Paris ? Je sais, il s’agit d’un détail, mais je suis certain que pour la plupart des grandes compagnies d’opéra de ce monde, pareil détail aurait au moins fait sourciller le ou la responsable du département des décors.
Nonobstant cette irritation mineure, ce qui m’a le plus impressionné lors de cette générale fut sans contredit l’auditoire enthousiaste qui était en majorité composé de groupes d’élèves du secondaire. Turbulents, ils se sentaient néanmoins impliqués dans cette histoire hautement romantique. Ils applaudissaient, ils acclamaient les chanteurs et passaient un admirable moment. Je félicite l’Opéra de Montréal pour pareil dévouement auprès des jeunes.
Ce fut une véritable première pour moi, en tant que chroniqueur culturel, de voir la portion antérieure du parterre, réservée à la clientèle ‘adulte’, foncièrement vide, avec seuls quelques îlots de têtes grises ici et là. Mais l’arrière du parterre, tout comme les balcons supérieurs, étaient remplis de ces jeunes esprits qui écoutaient religieusement, impressionnés, attentifs et impressionnants. Cette représentation de l’opéra aura nul doute laissé sa marque dans ces esprits malléables, j’en suis convaincu. Mais quelle sortie de fin d’année ! Félicitations aussi aux professeurs qui auront choisis d’initier leurs élèves à pareille culture. Mais reste que ces élèves auraient mériter de siéger à l’avant du parterre de la salle Wilfrid Pelletier.
Si vous voulez vivre l’expérience et assister à cet immense opéra, il sera présenté les 20, 23, 25 et 27 mai prochains, à 19:30 à la salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts. Malheureusement pour vous, l’auditoire adolescent n’y sera pas pour réagir et acclamer les artistes comme hier soir mais la qualité de cet opéra mis en scène par Alain Gauthier, de ces interprètes et de l’Orchestre Métropolitain, sous la direction de James Meena, vous assurera une soirée magnifique, en dépit de la fin saturnienne.
La Bohème est chanté en italien, avec surtitres français et anglais. D’une durée totale de deux heures trente, avec deux entractes, votre soirée sera sans aucun doute mémorable. Vous envisagerez même de prolonger votre pèlerinage lors de la prochaine saison de l’Opéra de Montréal, qui comptera les opéras Tosca, La Cenerentola, JFK, Svadba et Roméo et Juliette.
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Images : Yves Renaud
Luc Archambault
Écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, il revient s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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