Le Champ des monarques du
Technoparc doit être préservé
La prairie où ces papillons viennent se nourrir et se reproduire parmi l’abondante asclépiade est menacée
Par Patrick Barnard et Richard Swift
14 juin 2021
Le monarque est menacé. L’argent ne peut pousser des ailes ni jouer le rôle du monarque.
– Chef Ross Montour, conseil Mohawk de Kahnawà:ke
Le groupe ornithologique Technoparc Oiseaux et son fondateur Joël Coutu nous ont fait découvrir une perle rare au nord de l’Aéroport international Montréal-Trudeau : un magnifique ensemble de marais, de forêts, de ruisseaux et de prairies dissimulé dans l’arrondissement de Saint-Laurent et la Cité de Dorval. Cet écosystème intégré est connu sous le nom des milieux humides du Technoparc, et les ornithologues amateurs, de concert avec le groupe environnemental non partisan Coalition Verte, luttent pour protéger cet endroit devenu le site d’observation no. 1 sur l’île de Montréal.
Une grande partie des 200 hectares est la propriété du gouvernement fédéral. On y retrouve une section importante, le Champ des monarques, où ces papillons viennent se nourrir et se reproduire parmi les fleurs d’asclépiade qui sont abondantes à cet endroit. À la fin de 2020, des représentants fédéraux ont assuré la Coalition Verte qu’il n’y aurait aucun développement sur ces terrains détenus par le gouvernement fédéral. Or, le bureau de Francis Scarpaleggia, député de Lac-Saint-Louis, vient tout juste d’informer la Coalition Verte qu’une entreprise privée y construira une usine de 15,500 mètres carrés pour la fabrication de masques chirurgicaux à cet endroit, détruisant de facto les champs de monarques.

Prairie du Technoparc – Image : Jim Harris
Le chef Ross Montour du conseil Mohawk de Kahnawà:ke a déclaré lors d’un forum organisé par le Sierra Club le 18 mai qu’il était préoccupé du fait que « nous n’avons pas été consultés au sujet des milieux humides ». Il a ajouté : « Cela donne mauvaise figure à la ville et aux gouvernements provincial et fédéral. C’est terrible ce qui a été fait au nom du progrès et du développement. »
Il ne faut pas oublier qu’en 2019, Montréal était la première grande ville canadienne à se voir décerner la certification Or en tant que Ville amie des monarques, soit une ville engagée à « restaurer et protéger les habitats du monarque tout au long de son corridor de migration et sensibiliser les citoyens à participer à cet effort de préservation. »
Pourquoi se préoccuper du monarque ? Ce papillon est un indicateur du traitement qu’accorde l’humain au monde naturel. Cette espèce de papillon unique est menacée – au Mexique et ici même – affaiblie par l’humain, par notre gouvernement et nos actions. Tant dans le refuge mexicain du monarque qu’au Technoparc Montréal, la destruction de l’habitat de cette espèce est la principale cause dans cette histoire de perte et de spoliation.
Le monarque aux vibrantes couleurs a vu ses rangs décliner d’environ 90 pour cent depuis les années 1990. Dans sa migration sur la côte est de l’Amérique, il part des hautes montagnes du centre du Mexique pour se diriger vers le Canada, et notamment Montréal.
‘… en 2019, Montréal était la première grande ville canadienne à se voir décerner la certification Or en tant que Ville amie des monarques, soit une ville engagée à « restaurer et protéger les habitats du monarque tout au long de son corridor de migration…’
Richard Swift a visité la Réserve de biosphère du papillon monarque dans l’état du Michoacán au Mexique et a emprunté des sentiers de montagne tortueux pour parvenir à des forêts de sapins Oyamel si couvertes de papillons que l’on n’y voyait plus aucune végétation. Même si les papillons d’une génération n’ont jamais entrepris cette migration de milliers de kilomètres, leur compas interne les pointe dans la bonne direction.

Monarque sur chardon – Image : Ilana Block
Étant donné la distance parcourue par ces papillons, leur habitat couvre un territoire étendu, sous pression presque partout. Dans le Michoacán, les coupes forestières illégales et les plantations d’avocat grugent la Réserve même s’il s’agit d’un site du patrimoine mondial de l’UNESCO. En 2020, l’un des directeurs de la Réserve et grand défenseur des monarques, Homero Gómez González, a été trouvé étranglé au fond d’un puits.
Les fermiers des États-Unis et du Canada n’ont que faire de l’asclépiade, une plante « inutile », mais essentielle à la reproduction du papillon. Leur habitat est aussi menacé par l’usage d’engrais et de pesticides, en plus des changements climatiques. À mesure que l’habitat de ces papillons devient de plus en plus essentiel, la sensibilité des divers niveaux de gouvernement à sa protection prend de plus en plus d’importance.
Katherine Collin, porte-parole des 3,800 membres de Technoparc Oiseaux, se montre « très préoccupée du fait que le gouvernement fédéral, de concert avec la Cité de Dorval, a donné son aval à la fragmentation et à la destruction du Champ des monarques ». Et d’ajouter : « Le fait que le gouvernement fédéral participerait de façon tacite à la perte d’habitat du monarque, l’emblème des espèces menacées en Amérique du Nord, est tout à fait inacceptable. »
‘… [je suis] très préoccupée du fait que le gouvernement fédéral, de concert avec la Cité de Dorval, a donné son aval à la fragmentation et à la destruction du Champ des monarques. ‘
Katherine Collin, Technoparc Oiseaux
Le monarque évolue dans une vaste gamme d’habitats, qui doivent tous faire l’objet de la meilleure protection. Comme le dit le chef Ross Montour, « les autorités doivent tout faire, l’environnement l’exige. »
Le chef Montour fait référence à un territoire entièrement propriété du gouvernement fédéral. Le Canada est ici responsable. La demande est simple : le Champ des monarques du Technoparc Montréal doit être sauvegardé.
Image d’entête : Kathy Servian, Unsplash
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Patrick Barnard est membre du conseil d’administration de la Coalition Verte.
Richard Swift est auteur et collaborateur au magazine New Internationalist d’Oxford, dans le Royaume-Uni.
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