Les veuves parallèles
de Claudine Rivest

Un spectacle émouvant de marionnettes pour tous les publics

Par Sophie Jama

4 avril 2025

Claudine Rivest s’est plongée dans les méandres de son histoire familiale pour en extraire une œuvre artistique qui transcende le simple récit. À travers les fragments d’une mémoire recomposée, elle redonne vie à des figures féminines marquées par la douleur et le silence, notamment son arrière-grand-mère, dont le mutisme de dix-huit ans après la perte de son mari résonne comme un cri étouffé.

Ce silence, partagé avec sa belle-fille dans un huis clos où le deuil se transmet comme un héritage, devient le cœur battant du spectacle de marionnettes qu’elle a imaginé. Entre humour, émotion et poésie, Claudine Rivest transforme ces ombres familiales en une lumière captivante qui touche autant les adultes que les jeunes spectateurs.

Claudine Rivest s’est plongée dans les méandres de son histoire familiale pour en extraire une œuvre artistique qui transcende le simple récit.

Le spectacle repose sur le silence, un silence si palpable qu’on entendrait les mouches voler. Mais ce vide sonore est habilement comblé par la présence d’un musicien sur scène, dont le violon devient un personnage à part entière. Plus qu’un simple accompagnement musical, il insuffle une âme aux moments clés du récit : son archet grince comme une mouche agaçante, vibre avec la tension des disputes ou s’adoucit dans les rares instants de tendresse entre les deux femmes. Sa musique n’illustre pas seulement l’époque ou les émotions, elle dialogue avec elles.

Le spectacle regorge de trouvailles ingénieuses, dignes des marionnettistes qui flirtent avec l’art de la prestidigitation. Les objets du quotidien s’animent presque magiquement : les assiettes volent au-dessus de la grande table familiale, les poupées s’affrontent ou se réconcilient dans un ballet miniature. Claudine Rivest, à la fois animatrice et actrice, incarne ces veuves noires dont les gestes et les silences évoquent parfois des araignées tissant leur toile, piégées dans leurs propres fils d’émotions et de souvenirs.

L’humour traverse le spectacle comme un fil rouge, allégeant la gravité des thèmes abordés. Les surprises s’enchaînent et captivent le spectateur, tout en l’invitant à réfléchir sur une époque où les générations cohabitaient sous le même toit. Le cercle familial était alors une frontière infranchissable, un espace clos où la vie se déroulait en huis clos et où l’absence des disparus pesait lourdement sur ceux qui restaient.

‘Le spectacle regorge de trouvailles ingénieuses, dignes des marionnettistes qui flirtent avec l’art de la prestidigitation.’

Le décor, bien que minimaliste, évoque avec finesse l’univers des deux protagonistes. La table familiale en est le centre névralgique : lieu de repas, de discussions et de silences partagés. C’est autour d’elle que se cristallise l’histoire, entre souvenirs douloureux et moments suspendus. Le spectacle réussit ainsi à mêler poésie visuelle et profondeur émotionnelle pour offrir une expérience unique et touchante.

Les veuves parallèles

Création, conception et interprétation : Claudine Rivest
Mise en scène : Sophie Deslauriers et Claudine Rivest
Musique : Isaac Beaudet Lefebvre
Éclairages : Nancy Longchamp
Collaboration à la conception des costumes marionnettiques : Sylvie Baillargeon
Collaboration à la conception de la scénographie : Paul Foresto
Assistance à la conception des marionnettes : Sophie Deslauriers
Conseiller à la manipulation des marionnettes à gaines : Noë Cropsal
Conseillère au mouvement dramaturgique : Olivia Faye Lathuillière
Coproduction : Les Sages Fous

Jusqu’au 5 avril au théâtre de l’Illusion à Montréal

Images : Sylvie-Ann ParéAutres revues et critiques
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Sophie Jama est titulaire d’un doctorat en anthropologie et d’une maîtrise en littérature comparée. Elle a publié plusieurs ouvrages au Québec et en France. Depuis une quinzaine d’années, elle couvre la scène culturelle montréalaise en matière de théâtre, de danse, de cirque et autres arts vivants.