Maigret et la jeune morte :
un Leconte mineur
Gérard Depardieu dans le dernier film de Patrice Leconte, sur nos écrans le 29 juillet
par Luc Archambault
28 juillet 2022
Le dernier film de Patrice Leconte, Maigret et la jeune morte, met en vedette un pachydermique Gérard Depardieu dans le rôle du commissaire Jules Maigret. L’histoire se déroule à Paris dans les années cinquante. Jade Labeste incarne Betty, avec Mélanie Bernier dans le rôle de Jeanine, Pierre Moure dans celui de Laurent et Aurore Clément dans le rôle de la mère de ce dernier.
Ce film n’est pas la première exploration de l’œuvre de Simenon par Patrice Leconte. Il avait réalisé Monsieur Hire en 1989, adapté du roman Les fiançailles de monsieur Hire.
Ce film est une adaptation du roman de Georges Simenon paru en 1954 par Patrice Leconte et Jérôme Tonnerre, qui ont simplifié la trame narrative en se concentrant sur l’histoire de Louise Laboine, sa vie malheureuse et son malencontreux trépas.
Ce n’est pas la première exploration de l’œuvre de Simenon par Patrice Leconte. Il avait réalisé Monsieur Hire en 1989, adapté du roman Les fiançailles de monsieur Hire. Cependant, dans son Maigret, il explore la superstar Gérard Depardieu par une utilisation en porte à faux. L’acteur y incarne un Maigret tout en douceur, en réflexion, presque sans présence physique (une rareté dans le jeu de Depardieu) ni excès vocaux. Un jeu empreint de modestie, d’humanité profonde.
‘En dépit de la présence du personnage de Betty, qui ouvre la porte à une certaine séduction, aucun personnage féminin ne transcende cette histoire un peu grise et en teintes diaphanes, contraire aux goûts modernes.’
L’ensemble de la distribution est plutôt solide. On y remarque la présence d’Aurore Clément dans le rôle essentiel de la mère de Laurent. Sorte d’enquête à l’envers, le commissaire Maigret s’intéresse à l’identité de la victime plutôt qu’à l’identification du/des coupable(s). Jules Maigret est en fin de carrière, épuisé, et associe la victime à sa fille défunte. D’où son obsession en rapport à la reconstitution de ce qui s’est réellement passé, à savoir comment cette jeune femme a pu descendre si bas.
Ce film est aux antipodes d’une production hollywoodienne. Lent, sans grand débordement, subtil et intelligent, il tourne le dos à la facilité des aléas rocambolesques. Est-il étonnant qu’il soit considéré comme un échec commercial en France, ne couvrant pas ses frais de production avec seulement un peu plus de 540 000 entrées aux guichets ?
‘Ce film est aux antipodes d’une production hollywoodienne. Lent, sans grand débordement, subtil et intelligent, il tourne le dos à la facilité des aléas rocambolesques.’
Leconte, par un film sans fioritures et feux d’artifice, en dépit du rôle principal offert à l’ogre Depardieu, semble délaisser le filon d’une histoire forte et haute en rebondissements, comme Monsieur Hire, Le mari de la coiffeuse, Ridicule, et La veuve de St-Pierre, et par le fait même, à un rôle principal féminin fort. En dépit de la présence du personnage de Betty, qui ouvre la porte à une certaine séduction, aucun personnage féminin ne transcende cette histoire un peu grise et en teintes diaphanes, contraire aux goûts modernes.
Sans vouloir jouer au divulgâcheur, le dénouement de cette histoire est d’une finesse appréciée. Le meurtre présumé à l’origine s’avère être d’un autre acabit. L’élément criminel sous-jacent se dégonfle, laissant place à une interprétation plus subtile. On est aux antipodes d’une logique presse-bouton. Trop subtile pour les cerveaux formatés aux clips d’une trentaine de secondes? On est loin des « blockbusters » du sous-univers Marvel. La facilité du cinéma américain contemporain en prend pour son rhume. Malheureusement, Leconte semble se battre à la Don Quichotte contre les moulins à vent d’un public en mal de régurgitations ad infinitum d’historiettes prédigérées. Il est à craindre que le pauvre rendement commercial de ce film n’appelle le clou ultime du cercueil de l’œuvre de cet immense cinéaste.
Sans vouloir faire l’apologie d’un cinéma d’antan où primait un scénario profond et complexe, de nombreux personnages forts, une intrigue digne de ce nom, force est d’admettre que le style de Leconte semble faire figure de parent pauvre en cette ère de rendement comptabilisé et exploitable sur toutes les plateformes où agonise l’art cinématographique.
Maigret et la jeune morte est sorti en salles le 29 juin. Si vous aimez le cinéma européen de qualité, courrez vite pour le voir, car sa présence sur nos écrans ne devrait pas, malheureusement, s’y éterniser.
Images courtoisie de Axia Films
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Luc Archambault, écrivain et journaliste, globe-trotter invétéré, passionné de cinéma, de musique, de littérature et de danse contemporaine, est revenu s’installer dans la métropole pour y poursuivre sa quête de sens au niveau artistique.
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