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Mickey 17, le dernier film
du cinéaste Bong Joon Ho

Réflexions sur l’identité, l’estime de soi, les hiérarchies sociales et l’exploitation du travail

Par Andrew Burlone

13 mars 2025

Mickey 17, le dernier film de science-fiction et comédie noire de Bong Joon-ho, est sorti dans les cinémas québécois ce mois-ci. Le film basé sur le roman Mickey7 d’Edward Ashton met en scène Robert Pattinson dans le rôle de Mickey Barnes, qui assume le rôle d’un “consommable” dans une mission visant à coloniser la planète glacée Niflheim en 2054. Dans ce cadre futuriste, l’existence de Mickey est marquée par sa capacité à être recréé à plusieurs reprises après sa mort, mettant en lumière des thèmes de classisme et de l’aspect jetable de la vie humaine dans une société dirigée par le capitalisme.

Combinant satire et romance, le film conserve le style caractéristique de Bong, combinant humour noir et récits qui font réfléchir.

Se déroulant sur la planète glaciale et désolée de Niflheim en 2054, l’histoire suit Mickey Barnes, un soi-disant “Consommable” dont le travail consiste à entreprendre des missions mortelles pour la colonie. Chaque fois que Mickey meurt, sa conscience est transférée dans un nouveau corps cloné, le rendant à la fois indispensable et jetable. L’intrigue prend un tournant inattendu lorsque Mickey 17, la dix-septième itération, survit à une mission jugée fatale et revient à la colonie – pour découvrir que Mickey 18 a déjà été créé pour le remplacer. Cela pose le décor d’une exploration tendue et souvent humoristique de l’identité, de l’humanité et de la survie.

Le film aborde des questions existentielles sur l’identité et l’estime de soi tout en critiquant les hiérarchies sociétales et l’exploitation du travail. Il dépeint de manière vivante comment les individus peuvent intérioriser leur caractère jetable lorsqu’ils sont soumis à une déshumanisation systémique, offrant une exploration stimulante de la nature humaine et des valeurs sociétales dans un cadre futuriste. Combinant satire et romance, le film maintient le style caractéristique de Bong, combinant humour noir et récits qui font réfléchir.

Mickey 17, the latest movie from Bong Joon Ho - WestmountMag.ca

Sur le plan thématique, le film soulève la question de ce que signifie être humain dans un système qui traite les individus comme des ressources jetables, tout en explorant comment les individus intériorisent leur caractère dispensable. Ces idées prennent vie à travers des dialogues incisifs, des moments d’humour noir et des interactions poignantes entre les personnages. Les critiques ont salué la réalisation de Bong Joon-ho et la performance de Pattinson, soulignant le ton à la fois poignant et sombrement humoristique du film, ainsi que son commentaire sur la notion de jetabilité dans la société.

Exploration de l’inégalité des classes

Mickey 17 poursuit l’exploration du réalisateur sur le thème du classisme, un sujet récurrent dans sa filmographie. Dans cette comédie noire de science-fiction, le thème de l’inégalité des classes est tissé tout au long du récit de plusieurs manières. Le film présente un contraste saisissant entre les clones jetables, représentés par Mickey Barnes, et la classe dirigeante, incarnée par Kenneth Marshall. Le statut de jetable de Mickey le relègue à une classe inférieure, forcé d’entreprendre des missions dangereuses et de servir d’objet d’expérimentation. Cette hiérarchie reflète l’exploitation de la classe ouvrière par ceux qui détiennent le pouvoir.

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Le rôle de Mickey en tant que consommable souligne le caractère jetable de la classe inférieure dans cette société. Il est envoyé à plusieurs reprises dans des missions quasi-suicidaires, mourant et étant réimprimé de multiples fois, ce qui met en évidence la façon dont la classe dirigeante considère les travailleurs comme des ressources remplaçables plutôt que des individus. Cette déshumanisation est davantage illustrée par le fait que Mickey est qualifié de “spam de merde” et de “viande à hamburger humaine”, soulignant son statut à peine supérieur à celui de la nourriture dans la hiérarchie du vaisseau.

Comme dans les œuvres précédentes de Bong, la distribution de nourriture sert de symbole puissant de la disparité des classes. Les colons reçoivent une nourriture rationnée de faible qualité avec un apport calorique strictement réglementé, tandis que Marshall (Mark Ruffalo) et sa femme Ylfa (Toni Collette) savourent des repas gastronomiques. L’obsession d’Ylfa pour perfectionner les recettes de sauce souligne le luxe inaccessible aux travailleurs de la classe inférieure. En fait, Ylfa proclame que “la sauce est le véritable test décisif de la civilisation”, mettant l’accent sur le fossé profond entre les nantis et les démunis.

‘Mickey 17 livre une critique pointue des structures de classe et de la déshumanisation des travailleurs dans une société dirigée par le capitalisme’

La représentation de Kenneth Marshall en tant que leader incompétent avec un suivisme quasi-cultuel illustre le danger de l’idolâtrie envers ceux qui détiennent le pouvoir. Le film critique la façon dont des leaders charismatiques mais incompétents peuvent maintenir le contrôle par la manipulation et le soutien de sycophantes. Les quartiers de Marshall et Ylfa sont dépeints comme vibrants et richement décorés, contrastant fortement avec le design sombre et minimaliste des sections de la classe ouvrière du vaisseau spatial.

Au fur et à mesure que l’histoire progresse, le parcours de Mickey devient une quête de découverte de soi et de résistance contre le système oppressif. Le conflit entre Mickey 17 et Mickey 18 représente la lutte interne que beaucoup affrontent lorsqu’ils sont confrontés à l’inégalité systémique, l’un acceptant son sort dans la vie et l’autre aspirant au changement. Cette tension entre la déshumanisation et la réhumanisation de Mickey forme le cœur de la structure narrative du film.

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À travers ces éléments, Mickey 17 livre une critique acérée des structures de classe et de la déshumanisation des travailleurs dans une société dirigée par le capitalisme, poursuivant ainsi la tradition de Bong Joon-ho d’utiliser la science-fiction comme vecteur de commentaire social. Le film suggère finalement que la société s’améliore lorsque les gens s’unissent contre l’exploitation et privilégient l’entraide plutôt que l’intérêt personnel.

Niflheim

La planète glaciale et désolée de Niflheim est essentielle au récit, servant à la fois de fondement physique et symbolique à l’histoire. Son environnement hostile et implacable reflète l’existence précaire de Mickey Barnes. Les conditions extrêmes de la planète augmentent les enjeux de survie, forçant la colonie à dépendre du caractère jetable de Mickey tout en remettant simultanément en question son humanité et sa valeur.

Au-delà de ses défis physiques, Niflheim offre une scène pour une exploration philosophique plus profonde. La présence des rampants, les formes de vie indigènes de la planète, introduit des dilemmes moraux sur la coexistence et l’exploitation. Ces créatures extraterrestres remettent en question les ambitions colonisatrices de l’humanité, contrastant la mentalité extractive des colons avec la possibilité de compréhension et de collaboration. L’isolement et le danger de Niflheim amplifient ces conflits éthiques, en particulier lorsque Mickey lutte avec son identité dans un système qui le considère comme remplaçable.

‘La planète glaciale et désolée de Niflheim est essentielle au récit de Mickey 17, servant à la fois de fondement physique et symbolique à l’histoire.’

Visuellement, le paysage austère et gelé de Niflheim souligne les thèmes de solitude et de fragilité humaine dans un monde alien. Son terrain vaste et impitoyable renforce l’exploration du film sur la survie et le sacrifice tout en posant des questions existentielles sur ce que signifie vraiment vivre. Le cadre ne façonne pas seulement les luttes des personnages, mais renforce également la critique plus large de l’approche de l’humanité en matière de domination et d’exploitation des ressources dans des territoires inconnus.

Un questionnement de la notion traditionnelle d’identité

Le concept de “multiples” remet en question les notions traditionnelles d’identité en offrant une compréhension plus nuancée et flexible de l’individualité humaine. Il s’éloigne de l’idée que les individus possèdent une identité unique et unifiée, embrassant plutôt la possibilité de maintenir plusieurs identités distinctes au sein d’une même personne. Cette perspective suggère que l’identité n’est pas fixe ou immuable, mais peut évoluer et s’adapter en fonction de contextes sociaux ou de situations spécifiques. Ce faisant, elle remet en question la croyance de longue date selon laquelle un soi stable et singulier est essentiel à la cohérence personnelle.

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Ce concept remet en question l’hypothèse selon laquelle un psychisme sain doit être entièrement intégré. Certains chercheurs soutiennent que la multiplicité n’est pas intrinsèquement pathologique, mais plutôt un phénomène socialement construit et appris qui peut servir des fins adaptatives. Dans cette optique, avoir des identités multiples peut permettre aux individus de répondre plus efficacement aux exigences d’environnements et de circonstances diverses, offrant une flexibilité là où la rigidité pourrait échouer.

L’existence de phénomènes d’identités multiples dans différentes cultures remet davantage en question l’universalité du concept occidental d’un soi unitaire. Cela suggère que ce qui est souvent considéré comme “normal” ou “sain” dans un cadre culturel peut ne pas s’appliquer universellement. Les multiples offrent un moyen de naviguer dans des paysages moraux complexes et des cadres normatifs conflictuels, permettant aux individus d’adapter leur sens de soi d’une manière qu’une identité singulière et persistante pourrait avoir du mal à réaliser. Les multiples présentent un spectre dynamique de configurations identitaires, allant d’identités totalement séparées à des identités interconnectées.

‘L’existence de phénomènes d’identités multiples dans différentes cultures remet davantage en question l’universalité du concept occidental d’un soi unitaire.’

Cela remet également en question la pathologisation automatique des expériences identitaires diverses, suggérant que la multiplicité peut être une façon valide et significative de vivre et d’exprimer son identité. En soulignant la nature performative de l’identité – où les soi sont mis en acte plutôt qu’inhérents ou fixes – il recadre l’identité comme quelque chose de fluide et situationnel plutôt que statique. Ce faisant, il contraste fortement avec les vues traditionnelles qui privilégient la singularité et la stabilité dans le concept de soi, offrant à la place une compréhension plus riche et plus adaptable de ce que signifie être humain.

Ce film de science-fiction ambitieux et stimulant qui mêle comédie noire et réflexions existentielles, brille par sa capacité à équilibrer les thèmes lourds avec des moments de satire mordante et d’absurdité. Robert Pattinson livre une performance convaincante dans le rôle de Mickey, capturant à la fois l’angoisse existentielle et l’humour pince-sans-rire d’un homme aux prises avec sa propre remplaçabilité. La dynamique entre Mickey 17 et Mickey 18 est particulièrement captivante, car elle plonge dans les complexités éthiques et émotionnelles de la coexistence avec une autre version de soi-même.

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Mickey 17 est un film de science-fiction ambitieux et stimulant qui mêle comédie noire et réflexions existentielles. La réalisation de Bong Joon-ho brille par sa capacité à équilibrer les thèmes lourds du film avec des moments de satire mordante et d’absurdité. Robert Pattinson livre une performance convaincante dans le rôle de Mickey, capturant à la fois l’angoisse existentielle et l’humour pince-sans-rire d’un homme aux prises avec sa propre remplaçabilité. La dynamique entre Mickey 17 et Mickey 18 est particulièrement captivante, car elle plonge dans les complexités éthiques et émotionnelles de la coexistence avec une autre version de soi-même.

‘Mickey 17 est un film de science-fiction ambitieux et stimulant qui mêle comédie noire et réflexions existentielles.’

Visuellement, Mickey 17 est époustouflant. Les paysages glacés de Niflheim sont à la fois magnifiques et menaçants, servant de métaphore parfaite pour l’isolement et la fragilité de l’existence humaine dans un monde alien. L’environnement austère amplifie les enjeux de survie de la colonie tout en reflétant les luttes intérieures de Mickey. La direction artistique et les effets spéciaux immergent les spectateurs dans un monde qui semble à la fois futuriste et étrangement plausible.

Dans l’ensemble, ce film audacieux et inventif défie les métaphores traditionnelles de la science-fiction tout en offrant une histoire profondément humaine sur l’identité et la survie. La vision unique de Bong Joon-ho élève le récit à quelque chose à la fois divertissant et intellectuellement stimulant. Le film reste gravé dans l’esprit bien après le générique, incitant à réfléchir sur ses multiples niveaux de signification. Pour les amateurs de science-fiction qui ose poser de grandes questions tout en gardant un sens de l’humour, Mickey 17 est une expérience qui vaut la peine d’être vécue.

Image d’entête : Courtoisie de Warner Bros. Canada
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Andrew Burlone, co-publisher – WestmountMagazine.ca

Andrew Burlone, co-créateur de WestmountMag.ca, a débuté son parcours médiatique au magazine NOUS. Par la suite, il a lancé Visionnaires, où il a occupé le poste de directeur créatif. Passionné de cinéma et de photographie, Andrew porte aussi un vif intérêt pour les arts visuels et l’architecture.



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