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40 ans de magie scénique
à faire vibrer les planches

Un ballet très original du disparu Jean-Pierre Perreault qui fascine encore

Par Sophie Jama

20 mars 2025

Nuit est une œuvre emblématique du chorégraphe québécois Jean-Pierre Perreault, créée deux ans après son célèbre Joe, est proposée de nouveau dans le cadre de Danse Danse au théâtre Maisonneuve. Avec neuf danseurs qui explorent les thèmes de la solitude, la confrontation et la fragilité à travers une chorégraphie intense et impétueuse qui se distingue par son approche holistique, accordant autant d’importance à l’espace, l’environnement, les éclairages et la scénographie qu’aux mouvements des danseurs.

Neuf danseurs qui explorent les thèmes de la solitude, la confrontation et la fragilité à travers une chorégraphie intense et impétueuse.

Pour offrir au public l’opportunité de découvrir ou redécouvrir cette œuvre incontournable de la danse contemporaine, Nuit a été récemment recréée dans sa forme originelle par Laurence Lemieux et sa Compagnie de la Citadelle qui veut ainsi rendre hommage à Perreault, décédé en 2002, et à transmettre son héritage aux nouvelles générations. La pièce est présentée au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts jusqu’au 22 mars 2025.

Monté pour la première fois en 1986, ce ballet de danse contemporaine conserve toute son originalité et sa fascination pour le public. L’univers de Jean-Pierre Perreault ne ressemble à aucun autre. S’il permet au spectateur toutes sortes d’interprétation, il n’en souffle aucune et il serait vain de rechercher une quelconque trame narrative dans les mouvements proposés.

La préparation rigoureuse des artistes transparaît dans chaque mouvement. Sur une scène dominée par un décor massif et imposant, cinq hommes et quatre femmes se déploient progressivement. Dans la pénombre, les danseurs martèlent le sol avec une intensité croissante, créant une atmosphère à la fois hypnotique et troublante sur fond d’une musique quasi sérielle et répétitive.

‘Monté pour la première fois en 1986, ce ballet de danse contemporaine conserve toute son originalité et sa fascination pour le public.’

Nuit se révèle comme une exploration poignante de la condition humaine, où chaque geste, chaque son et chaque jeu d’ombre contribue à créer une expérience artistique profondément immersive. À travers les pas des danseurs, dans la semi-pénombre, on perçoit simultanément la force et la vulnérabilité humaine, la solitude et le besoin de connexion. Les étreintes amoureuses alternent avec des moments de confrontation, avant de céder la place à un retour à l’isolement.

L’ambiance sonore, oscillant entre silence relatif et musique envoûtante, renforce l’impact émotionnel de la performance. On note des costumes de différentes couleurs, sombres mais assorties. Les hommes portent des pantalons de ville et des hauts de même ton, les femmes de longues jupes et des bas sur leurs souliers qu’elles changent discrètement en fonction des circonstances.

Nuit - photo: Kendra Epik

Image : Kendra Epik

L’ambiance sonore du spectacle est entièrement dictée par les mouvements corporels des danseurs. Qu’ils évoluent en couple, en groupe coordonné ou en solo, leur démarche est d’une complexité remarquable. Ils se déplacent en avant, sur le côté ou en arrière, souvent par de minuscules pas qui donnent l’illusion d’un glissement sans mouvement apparent des pieds. En contraste saisissant, on observe de grands déséquilibres et le choc sourd des corps qui s’effondrent lourdement sur le sol.

‘L’ambiance sonore, oscillant entre silence relatif et musique envoûtante, renforce l’impact émotionnel de la performance.’

L’un des aspects les plus frappants du ballet est l’absence totale de musique. Les danseurs créent leur propre partition sonore et leurs silences à travers les bruits de leurs pas, leurs courses, leurs sauts, leurs soupirs, leurs cris et leurs sifflements. Dans l’atmosphère globalement sombre de cette Nuit, la blancheur de leurs visages et de leurs bras nus ressort comme un éclat de lumière vive, accentuant le contraste visuel et émotionnel de la performance.

Jean-Pierre Perreault, chorégraphe

Décédé en 2002 à l’âge de 55 ans, Jean-Pierre Perreault a laissé un héritage artistique considérable. Son approche unique, qui intégrait le dessin et la peinture dans son processus créatif, a influencé toute une génération de jeunes chorégraphes et continue de fasciner le public aujourd’hui. Né à Montréal, il a commencé sa carrière de danseur à l’âge de 20 ans avec le Groupe de la Place Royale, avant de devenir codirecteur artistique de la compagnie en 1971.

Perreault a développé un style chorégraphique unique, caractérisé par une danse profondément ancrée dans l’espace. Ses œuvres produisent leur propre musique à travers des pas orchestrés en rythmiques complexes, créant un univers métaphorique qui mêle l’intime et le social, le contemporain et l’intemporel. Son approche holistique intègre parfaitement espace, environnement, éclairages et scénographie, tout en incorporant le dessin et la peinture dans son processus créatif.

‘Perreault a développé un style chorégraphique unique, caractérisé par une danse profondément ancrée dans l’espace.’

Ses œuvres les plus emblématiques incluent “Joe”, une pièce pour 32 danseurs qui explore les espoirs et les peurs de la foule anonyme, et “Nuit”, qui exprime une vulnérabilité troublante. Perreault a également créé des installations chorégraphiques innovantes comme “L’instinct” et “Les Éphémères 1997”. Il a travaillé avec des compagnies internationales, dont le Cullbergbaletten de Suède et le Ballet national du Canada. Son héritage continue d’influencer la danse contemporaine, avec des reprises de ses œuvres permettant aux nouvelles générations de découvrir son univers unique.

Nuit

Scénographie, costumes et musique : Jean-Pierre Perreault
Interprètes : Morgyn Aronyk-Schell, Valerie Calam, Tyler Gledhill, Sully Malaeb Proulx, Connor Mitton, Natasha Poon Woo, Heidi Strauss, Brodie Stevenson, Jarrett Siddall.
Conception originale des éclairages : Jean Gervais
Adaptation des éclairages et de la scénographie : Simon Rossiter
Ingénieur du son : John Gzowski
Direction artistique du projet et des répétitions : Ginelle Chagnon, avec la permission de l’Espace
Perreault Transmissions chorégraphiques.

Jusqu’au 22 mars 2025
Théâtre Maisonneuve
Place des Arts de Montréal

Billeterie

Image d’entête : Marie Kelle
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Sophie Jama - WestmountMag.ca

Sophie Jama est titulaire d’un doctorat en anthropologie et d’une maîtrise en littérature comparée. Elle a publié plusieurs ouvrages au Québec et en France. Depuis une quinzaine d’années, elle couvre la scène culturelle montréalaise en matière de théâtre, de danse, de cirque et autres arts vivants.

 



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