« Portes ouvertes » sur l’accessibilité

Alexis Nihon et le CRIR font connaître le Laboratoire vivant en réadaptation

Isabelle Ducharme fréquentait le centre commercial Alexis Nihon avant qu’un accident de la route la laisse tétraplégique en 1988. Elle y est revenue à maintes reprises dans les années qui ont suivi faire son magasinage en fauteuil roulant motorisé, malgré les nombreuses embuches. « J’ai constaté une évolution en descente côté qualité de l’établissement et accessibilité » rapporte-t-elle. « C’était complexe même d’y entrer parce qu’il n’y avait pas de boutons pour ouvrir les portes, puis on pénétrait à l’intérieur et ça devenait de plus en plus sombre. »

Mais un partenariat avec le Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain en 2011 (CRIR) et deux ans de rénovations pour, entres autres, mieux desservir les personnes handicapées, ont mené à d’importants changements. (Voir : Alexis Nihon : une cure plus qu’esthétique et Éliminer les obstacles)

À titre de présidente du conseil d’administration de Kéroul – un organisme de développement touristique et culturel pour les personnes à capacité physique restreinte – Mme Ducharme n’a pas fait qu’assister à la transformation.

« Dans toute la chaîne de produits et services qu’on utilise en tourisme, il y a les centres commerciaux, » explique-t-elle. Kéroul et de nombreux autres organismes ayant un intérêt dans le projet ont donc été impliqués « à toutes les étapes de recherche, de la détermination de ce qui devait être pris en considération pour rendre les lieux plus accessibles à l’évaluation de l’impact des modifications. »

Journée scientifique et portes ouvertes

Le 3 novembre, le public était invité à découvrir l’ampleur des travaux exécutés ainsi que les nombreux projets de recherche réalisés dans le cadre du programme de Laboratoire vivant en réadaptation (RehabMaLL) à Alexis Nihon.

photo: Florian GrondUne dizaine de kiosques d’information étaient répartis sur les étages, dont celui de Florian Grond qui a conçu une balise audio pour non-voyants dans le cadre de son projet postdoctoral à l’Université Concordia supervisé par Aaron Johnson, du CRIR. « Je sais que la technologie existe déjà » a noté M. Grond. « Ma mission était de développer un dispositif de source ouverte et d’explorer différents scénarios d’utilisation. »

Le petit haut-parleur, qui renferme un ordinateur de la taille d’une carte de crédit et une clé WiFi, émet un signal sonore lorsqu’il est activé à distance à partir d’un téléphone intelligent. Cela permet à une personne aveugle ou ayant une basse vision de repérer au son un endroit précis dans un espace public, tel qu’un salon de coiffure dans un centre commercial. Grond a d’abord mis la balise à l’épreuve au Centre de réadaptation MAB-Mackay, mais il espère pouvoir procéder à des tests plus poussés pour se mettre dans la peau de ceux qui ne peuvent se fier à leur vue et juger de l’efficacité de cet outil dans un environnement particulièrement bruyant.

Exercice à deux sens

photo: Rehabilitation Living Lab at Alexis Nihon, 03-11-2015Le domaine d’étude de Camille Gauthier-Boudreault, ergothérapeute à la maîtrise à l’Université de Sherbrooke, et sa collègue Laure-Hélène Gagné-Deland, supervisées par la chercheuse du CRIR France Beauregard, est tout à fait distinct. Elles se penchent sur la fréquentation des lieux publics par les familles avec un enfant atteint d’une déficience physique, intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme

Environ 65 % des 150 parents qu’elles ont sondés ont révélé fréquenter des lieux publics, « mais des endroits utilitaires, pas de loisir » précise Mme Gagné-Deland. Et ils ont confié aux chercheuses que les sorties sont « des événements stressants durant lesquels ils n’éprouvent pas beaucoup de plaisir. »

Les deux étudiantes participaient à la journée portes ouvertes pour partager les résultats préliminaires de cette enquête, mais elles sont reparties avec des pistes d’idées pour de futures recherches. Des cliniciens et des personnes avec des limitations fonctionnelles de passage à leur kiosque ont suggéré qu’il serait aussi pertinent d’obtenir la perception des principaux intéressés : les enfants.

« Ça pourrait être difficile avec les plus jeunes, mais les adolescents de 15 à 18 ans pourraient contribuer à l’avancement de la connaissance des obstacles pour qu’on ait une meilleure compréhension de leur vécu, » reconnaît Mme  Gauthier-Boudrault.

Quand un handicap n’est pas facilement visible

photo: Rehabilitation Living Lab at Alexis Nihon, 03-11-2015À l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, on s’intéresse à différentes questions. Est-ce que le bruit de fond en magasin peut influencer les décisions d’achat de personnes aînées avec ou sans déficience visuelle ou auditive? Est-ce que les personnes malvoyantes peuvent utiliser une tablette électronique lorsqu’ils magasinent pour grossir le texte sur les étiquettes de produits ou de prix plutôt qu’une visionneuse portative plus dispendieuse et stigmatisante?

Jonathan Jarry, agent de recherche, a parlé avec aisance des projets qui tentent d’y répondre avec les clients d’Alexis Nihon, mais il a surtout fait de la sensibilisation. « C’est tellement important, » dit-il. « Je pense qu’on ne réalise pas quand on est en santé à quel point on est entouré de gens qui ont des défis quotidiens dans leur vie que nous on n’a pas. »

M. Jarry fait valoir qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour éveiller les consciences en citant le cas d’une passante à qui il a mentionné qu’Alexis Nihon subi une cure de modernisation pour être plus accessible.

« Elle a regardé un peu partout et m’a dit ‘eh bien, il y a un ascenseur, ça me semble accessible’. Alors il y a beaucoup de chemin à faire pour sensibiliser les gens parce que souvent, si une personne n’est pas en fauteuil roulant, la déficience on ne la voit pas. »

Les rénovations ont beau être terminées au centre commercial, Alexis Nihon demeure un terrain d’essai pour les chercheurs du CRIR à l’origine d’idées et des technologies nouvelles qui, l’espèrent-ils, favoriseront l’inclusion des personnes handicapées.

 

Alexis Nihon Portes ouvertes



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