D’un autre point de vue,
de Norman H. Havill
Une expression de gratitude à l’égard des professionnels de la santé qui œuvrent dans l’anonymat
Par Georges R. Dupras
17 juin 2021
Avec le temps, nous réalisons peu à peu que la vie est courte, et que suite au décès des membres de notre famille et de nos amis proches nous devons souvent dépendre de plus en plus sur la bonne volonté des étrangers.
Vers la fin de mai, j’ai reçu un appel incompréhensible d’un homme qui bafouillait ses mots et était parfois incohérent, mais qui connaissait cependant mon nom. Il a dit « c’est Norm », et l’a répété deux fois alors que j’essayais de le replacer. Cela m’a pris quelques secondes, mais j’ai finalement réalisé que c’était un ami avec lequel j’avais travaillé durant plusieurs années. Plus qu’un collègue, Norman me connaissait bien et me considérait comme un ami, malgré mon caractère peu attachant.
Georges, ”dit-il, “pourrais-tu me rendre service? Pourrais-tu écrire un article sur notre système de soins de santé, en soulignant le fait que nous avons abandonné ceux qui travaillent au sein de ce système.
Norm souffrait. Dans sa douleur, il était hôpitalisé sans connaître l’étendue des dégâts au plus profond de son corps usé par le temps. Vous voyez, Norm était un instructeur d’arts martiaux et, à sa manière, un enseignant du sens de la vie. Il était tombé chez lui non pas une, mais deux fois. Il m’a avoué qu’il n’avait jamais autant souffert au cours de ses nombreuses années comme instructeur d’auto-défense.
« Georges, je veux que tu me rendes un service. Je veux que tu écrives un article sur notre système de santé et sur la façon dont nous laissons tomber nos soignants. Je veux que tu écrives sur le sujet de façon indirecte, en l’abordant d’un angle différent, comme une vue prise de l’intérieur. »
Norman a commencé par me raconter comment les premiers intervenants sont venus l’aider lorsqu’il est tombé. Il m’a parlé de leur engagement désintéressé envers des inconnus et leurs familles. Il a parlé des ambulanciers, de leur habileté à s’occuper des blessés et de leur capacité inégalée à naviguer les rues de Montréal encombrées de cônes. Il a interrogé les fonctionnaires municipaux, plus préoccupés par les pistes cyclables que par l’aggravation de l’état des routes.
Il félicite le personnel d’entretien au sein du système de santé qui sont surchargés et sous-payés et qui font un travail que la plupart d’entre nous éviteraient. Il a fait l’éloge des infirmières dont les ratios de patients n’ont cessé d’augmenter au fil des ans, contrairement à leur échelle salariale. Il mentionne avec une profonde gratitude les médecins, les techniciens en laboratoires, et autres employés, tous tenus pour acquis.
Vue d’un autre angle
Norman reconnait les difficultés rencontrées par les personnes âgées pour accéder aux hôpitaux, notamment pour les personnes handicapées ou à revenu fixe. Certaines stations de métro sont situées à des pâtés de maisons de l’hôpital le plus proche, et de nombreuses stations ne sont toujours pas adaptées aux fauteuils roulants. Le stationnement est un véritable défi et coûteux dans le meilleur des cas – et où vont les bénéfices, s’est-il demandé ?
‘Il est grand temps que nous montrons une appréciation appropriée pour nos travailleurs de la santé en restructurant leurs échelles salariales pour mieux refléter leur professionnalisme.’
Norman remet en question les montants d’argent provenant des impôts des contribuables investis dans notre système de soins de santé par rapport à d’autres services. Un système de soins de santé qui manque tellement de ressources que les infirmières de première ligne sont obligées de justifier les retards dans les procédures médicales pendant que nos élus voyagent à l’extérieur de la province et même du pays pour se faire soigner. Des ressources étirées jusqu’au point de rupture et où les heures supplémentaires sont devenues la règle plutôt que l’exception. Pourquoi, dans un pays comme le Canada, est-il si difficile de trouver un médecin généraliste ?
En constatant la réalité sous un autre angle – du point de vue du patient – nous pouvons pleinement apprécier ce que nos héros méconnus font pour nous au quotidien. Il est grand temps que nous montrons une appréciation appropriée pour nos travailleurs de la santé en restructurant leurs échelles salariales pour mieux refléter leur professionnalisme. Pensons également à la possibilité d’initier une journée nationale des travailleurs de la santé. Si l’argent demeure un obstacle, pensons peut-être à offrir d’autres moyens d’indemnisations, tels que des abonnements gratuits aux transports en commun pour le personnel soignant, ou des privilèges de stationnement aux hôpitaux.
Son point de vue est partagé par de nombreuses personnes; il est malheureux que nos fonctionnaires, pour la plupart, ne prêtent aucune attention à ces questions importantes. Norman nous demande d’exiger des changements au cœur de notre système de santé. Il demande que la population, incluant nos élus et nos directeurs de la santé, manifestent leur reconnaissance des professionnels de la santé qui travaillent sans relâche en arrière-plan de manière concrète.
Hier, Norman a été transféré du service d’oncologie à l’unité de soins palliatifs.
Image d’entête : Cedric Fauntleroy de Pexels
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Georges R. Dupras se fait le champion et le défenseur des animaux depuis plus de 50 ans. Il est membre de l’International Association for Bear Research and Management (IBA), un directeur de l’Alliance pour les animaux du Canada (AAC), le représentant du Québec de Zoocheck Canada, et un ancien directeur de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (CSPCA). En 1966, il s’est impliqué dans la campagne initiale pour sauver les phoques qui a mené à la fondation de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW) en 1969. Il a publié deux livres : Values in Conflict et Ethics, A Human Condition. Georges demeure à Montréal, Québec, Canada.
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