Sans collier.
Physiographie d’existences
Dix-sept portraits de femmes par la danseuse Louise Bédard
Par Sophie Jama
28 mars 2025
La compagnie québécoise Louise Bédard Danse fête ses 35 ans cette année. Autant dire que Louise Bédard n’est pas une jeune danseuse. Elle n’en a pas pour autant perdu son énergie et sa capacité créatrice, loin de là. À la fois danseuse et chorégraphe, elle interprète dans Sans collier. Physiographie d’existences au théâtre de La Chapelle – le lieu où elle a déjà proposé plus de dix spectacles – un florilège de portraits de femmes répartis entre les trois soirées de représentation.
Sans collier évoque la nature éphémère de la danse, tandis que Physiographie d’existences fait référence à la cartographie des vies et expériences multiples représentées dans la pièce. À travers cette création, Bédard explore non seulement les différentes facettes de l’existence féminine, mais aussi sa propre évolution artistique, repoussant les limites de sa pratique et réaffirmant son corps dansant dans un contexte post-pandémique.
Sans collier. Physiographie d’existences est une œuvre solo qui célébre les multiples facettes du destin d’une femme.
Louise Bédard incarne avec force une multitude de personnages féminins, chacun doté d’une personnalité distincte. L’utilisation d’autoportraits photographiques et l’intégration de textes littéraires ajoutent une profondeur à la chorégraphie. Les nombreux changements de costumes et l’interaction avec divers accessoires créent un kaléidoscope de dix-sept solos, chacun donnant vie à un personnage féminin unique.
Ces femmes, aux personnalités distinctes et affirmées, se démarquent par leurs émotions variées et leurs mouvements singuliers. Chaque solo crée un univers à part entière, où les protagonistes évoluent parmi des objets et des accessoires soigneusement choisis. L’ambiance sonore, mêlant musiques et bruits spécifiques, vient compléter ces tableaux vivants, soulignant la particularité de chaque personnage.
L’inspiration pour cette création a germé dans l’esprit de Louise Bédard pendant la période d’isolement imposée par la pandémie. Comme de nombreux artistes, la chorégraphe s’est retrouvée face à un temps suspendu, propice à l’introspection et à l’exploration créative.
C’est dans ce contexte particulier qu’elle a entrepris une démarche artistique intime et originale. Se tournant vers l’autoportrait photographique, utilisant son propre corps comme toile vivante, elle s’est mise en scène, jouant avec une variété de tenues, de coiffures, de chaussures et d’accessoires, chaque cliché capturant une facette différente, une personnalité distincte, comme autant de femmes habitant un seul corps.
Ces séances photographiques, à la fois ludiques et profondes, sont devenues le terreau fertile d’où a émergé le concept du spectacle. Les images ainsi créées ont servi de point d’ancrage, de source d’inspiration pour la chorégraphie à venir. Elles ont permis à Bédard de donner forme à des personnages multiples, chacun porteur d’une histoire, d’une émotion, d’un mouvement unique.
Chaque femme ainsi imaginée évolue dans un certain espace géographique et laisse parfois émerger à travers ses paroles une bribe de vécu : amour déçu, vocation contrariée, spiritualité ou solitude infinie… Des vidéos s’ajoutent sur de grands rideaux transparents, et différents objets garnissent la scène de manière agréable. De beaux éclairages et un fond sonore immersif accompagnent les métamorphoses de l’artiste, certaines tragiques, d’autres plus drôles et toujours insolites.
‘Ce qui a commencé comme une exploration solitaire durant une période d’incertitude s’est transformé en une œuvre riche et complexe.’
Le spectacle se déroule dans un décor conçu par Marilène Bastien, décrit comme un espace organique empreint d’une froideur intense et de gris usés. Cette scénographie souligne la dualité entre la chaleur de la vie et la froideur de l’isolement, thèmes centraux de l’œuvre.
Le concept de ce spectacle est indéniablement captivant, mais il aurait pu bénéficier d’un rythme plus soutenu. Bien que les changements de costume, même exécutés avec célérité, requièrent inévitablement un certain temps, une légère condensation des séquences aurait pu dynamiser l’ensemble de la représentation. Cette approche aurait permis de maintenir l’attention du public tout au long du spectacle, évitant ainsi les moments où l’on pourrait ressentir une certaine langueur.
Cependant, il faut souligner la richesse visuelle et la diversité des éléments scéniques mis en jeu. Louise Bédard déploie un véritable arsenal d’accessoires et d’objets, transformant sa prestation en une expérience qui transcende la simple danse. Son interprétation oscille entre chorégraphie et performance artistique, alors qu’elle interagit avec son environnement scénique de manière ludique et créative.
La danseuse ne se contente pas de bouger ; elle joue, manipule et semble même improviser avec les nombreux éléments qui l’entourent, créant ainsi un dialogue constant entre son corps et l’espace. Cette approche multidimensionnelle enrichit considérablement la performance, offrant au spectateur une expérience visuelle et sensorielle complexe et stimulante.
Portraits de femmes, par Louise Bédard
Théâtre La Chapelle
25, 27 et 29 mars 2025
Production : Louise Bédard Danse
Chorégraphe et interprète : Louise Bédard
Dramaturge : Angélique Willkie
Assistance à la dramaturgie : Anne Thériault
Compositrice : Diane Labrosse
Scénographe : Marilène Bastien
Conceptrice lumière : Lucie Bazzo
Vidéo : Robin Pineda Gould
Images : David WongAutres revues et critiques
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