Tobie Steinhouse,
peintre-poète de la lumière
De la peinture à la gravure et la calligraphie, cette artiste de renommée mondiale maîtrise toutes les techniques
Par Patricia Dumais
Précédemment publié le 29 juillet 2017
Westmount est le lieu de résidence d’un bon nombre d’artistes talentueux, y compris certains de réputation internationale. Parmi eux, la peintre et graveure Tobie Steinhouse que j’ai eu le plaisir d’interviewer dans sa charmante résidence surplombant le parc King George, a partagé avec enthousiasme le récit de son évolution artistique au cours des années, allant de la peinture à l’impression et à la calligraphie japonaise ces dernières années.

Late afternoon
Il est difficile de croire que Tobie est agée de 92 ans. Elle donne l’impression d’être beaucoup plus jeune lorsqu’elle raconte passionnémment les événements de sa vie fascinante et qu’elle parle de bientôt partir à Londres pour rejoindre un de ses fils. « Être occupée et active vous garde jeune », affirme-t-elle.
Du Mile-End à New York
C’est à un âge précoce, durant la Grande Dépression alors qu’elle grandissait dans le quartier du Mile-End à Montréal, que Tobie Steinhouse a développé son intérêt pour la peinture et les beaux-arts. Elle a fréquenté l’école secondaire Baron-Byng, où elle a étudié l’art sous la célèbre peintre Anne Savage. Elle raconte: « Anne Savage nous a doucement guidés à travers le monde de l’art, un monde alors complètement inconnu pour nous. Elle a été d’un très grand soutien et nous sommes resté amies au cours des ans – je l’ai même choisie pour être la marraine de mon fils ».
Anne Savage nous a doucement guidés à travers le monde de l’art, un monde alors complètement inconnu pour nous.
Tobie Steinhouse
Steinhouse a par la suite obtenu un diplôme en dessin technique de l’Université Sir George-Williams (maintenant Concordia). Comme le pays était alors en guerre, elle a été embauchée en tant que dessinatrice industrielle jusqu’en 1945 pour la conception des avions de guerre Anson. « Je ne voulais pas être sténographe ou enseignante, je voulais faire quelque chose en lien avec l’art », explique-t-elle.
Dès que la guerre fut terminée elle partit pour la ville de New York, avec une bourse pour étudier à la réputée Art Student’s League. En chemin, elle rencontra son futur mari, le journaliste Herb Steinhouse. « Ce fut vraiment une rencontre fortuite car nous étions tous deux un jour en retard pour atteindre notre destination, mais ce fut le coup de foudre et nous nous sommes mariés quelques mois plus tard », se souvient-elle.

Toîts de Montparnasse
Paris
Le jeune couple déménagea éventuellement à Paris en 1947. Là, Tobie étudia brièvement à l’École des Beaux-Arts de Paris, à La Grande Chaumière et avec le peintre abstrait Arpad Szenes. Bientôt, ses œuvres furent exposées dans de nombreuses galeries d’art reconnues à Paris, telles le Salon de l’Art Libre, le Salon de la Jeune Peinture et le Salon d’Automne. En 1957, elle tenait sa première exposition personnelle à la Galerie Lara Vincy.
Steinhouse a continué d’étudier la gravure avec Stanley Hayter, l’un des graveurs les plus importants du 20ème siècle, à son Atelier 17. Elle raconte: « Ce fut une période passionnante. Je me souviens d’avoir travaillé aux côtés de Joan Miró. En étudiant avec Hayter, nous n’avons jamais produit d’œuvre finie, mais avons constamment expérimenté les nombreuses techniques de gravure. Donner vie à une simple feuille de métal, accepter le défi de lui conférer un certain sens et un caractère propre à travers la couleur, la forme et le contenu… le processus m’a fasciné. » Elle ajoute: « Et nous devions travailler rapidement, car comme il s’agissait d’un studio très occupé, nous n’avions que deux heures de presse chacun! ».
Ce fut une période passionnante. Je me souviens d’avoir travaillé aux côtés de Joan Miró. En étudiant avec Hayter, nous n’avons jamais produit d’œuvre finie, mais avons constamment expérimenté les nombreuses techniques de gravure
Tobie Steinhouse
Ses créations de l’époque étaient des « abstractions complexes et étincelantes, avec des effets de verre, de filets de pêche ou de toiles d’araignées, reflétant la douce brume de Paris et révélant la recherche continue de la lumière par l’artiste » ¹. Selon sa déclaration d’artiste, « la poésie est une source d’inspiration essentielle pour moi, une façon de communiquer mes visions et mes sentiments intérieurs, de créer un monde de sérénité, de laisser mes rêveries errer librement tout en sauvegardant mes pensées. » Rien d’étonnant à ce que Tobie soit acclamée en tant que « peintre-poète de la lumière ».

La tendresse du jour
Retour à Montréal
Le couple est revenu à Montréal en 1957, où Steinhouse a co-fondé, avec Richard Lacroix qu’elle avait rencontré à l’Atelier 17, à la fois La Guilde Graphique et L’Atelier Libre de Recherches Graphiques. Ses œuvres à l’époque reflétèrent plus de motifs canadiens tels que les tempêtes de neige et le verre givré. La fenêtre de son studio donnant sur le parc King George devint vite une source d’inspiration inépuisable.
Par la suite, Tobie Steinhouse est devenue membre du Groupe des peintres canadiens et en était la présidente lorsque le groupe fut dissous en 1967. Elle fut élue à l’Académie royale des arts du Canada en 1972.
Elle a plus tard appris l’art de la calligraphie japonaise et a exposé avec l’école de Suiha Hiroko Okata. Les collines autour de la ville de Sutton, au Québec, ont inspiré aussi une série d’aquarelles plus récentes.
De nombreux hommages
Tobie Steinhouse a eu de nombreuses expositions individuelles au Canada et à l’étranger et a participé aux biennales internationales d’estampes en Angleterre, au Chili, en Écosse, au Venezuela, en France, en Italie, en Suisse et aux États-Unis.
Ses œuvres ont été exposées dans de nombreuses collections publiques et privées, y compris celle du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée de Québec, de la Winnipeg Art Gallery, de Rio Tinto Alcan et d’Air Canada.
Steinhouse s’est mérité de nombreux honneurs au cours de sa carrière, dont le prix Jessie Dow pour l’art graphique, le Sterling Trust Award de la Society of Canadian Painters, Etchers and Engravers, la Médaille du Centenaire du Canada et le Purchase Award de l’Institut Thomas Moore. Au cours de sa récente carrière, elle a continué à recevoir des prix lors du concours international de calligraphie japonaise, au Tokyo Metropolitan Art Museum.
En 2012, Steinhouse a été le sujet d’une rétrospective majeure au Stewart Hall à Pointe-Claire, et en 2015, la Galerie Jean-Claude Bergeron a organisé une exposition de son travail.

Une solitude
Expositions à venir
Les œuvres de Tobie Steinhouse feront partie de l’exposition “At Home: The Interior in Canadian Art” qui aura lieu au Centre d’art Agnes Etherington de l’Université Queen’s à Kingston, du 26 août au 23 décembre 2017. Pour plus d’informations sur cette exposition, visitez agnes.queensu.ca/exhibition
De plus, la galerie Stewart Hall à Pointe-Claire accueillera, en l’honneur du 150e anniversaire du Canada, une collection d’œuvres d’exposants antérieurs, du 28 octobre au 3 décembre. Pour plus d’informations sur cette exposition, visitez pointe-claire.ca/fr/art-gallery
Pour visionner d’autres d’œuvres de Tobie Steinhouse, visitez la Galerie Donohue à galeriedonohue.com/artists/tobie-steinhouse/
Tobie est également représentée par la Galerie Jean-Claude Bergeron à galeriejeanclaudebergeron.ca/fr
Référence
¹ Canadian Encyclopaedia (traduction)
Image vedette : Rêveries – Montparnasse, par Tobie Steinhouse
Patricia Dumais est co-éditrice et directrice artistique de WestmountMag.ca, et y contribue occasionnelle des articles. Elle a débuté sa carrière en tant que graphiste et assistante directrice artistique sur plusieurs longs métrages et documentaires canadiens. Patricia a ensuite œuvré dans le domaine de la communication et du design. pdumais@westmountmag.ca
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