Un songe d’une nuit d’été
québécois et jubilatoire
Une réussite qui ravirait sûrement Shakespeare lui-même
Par Sophie Jama
19 mars 2025
D’aucuns pensent peut-être que Shakespeare est un auteur sérieux, réservé à un public cérébral et dépourvu d’humour. C’est oublier que le génie du théâtre anglais écrivit non seulement des tragédies et des pièces historiques, mais aussi des comédies dont certaines autorisent les plus grandes extravagances.
Dans une superbe mise en scène et adaptation québécoise de Michel Monty, les douze acteurs brillants offrent deux heures de rires et d’intelligence, de surprises, d’émotions et de rêves.
Cela, l’équipe du Songe d’une nuit d’été proposé actuellement au Théâtre du Rideau Vert à Montréal l’a bien compris, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Dans une superbe mise en scène et adaptation québécoise de Michel Monty, les douze acteurs brillants offrent deux heures de rires et d’intelligence, de surprises, d’émotions et de rêves.
Car il va de soi que le Songe d’une nuit d’été a pour cadre et pour contenu ces souvenirs si particuliers qui demeurent parfois dans nos esprits le matin, au moment du réveil… et quand les rêves se mêlent à nos désirs d’amour, on peut être assurés qu’ils seront pour le moins énigmatiques et audacieux.
L’histoire du Songe… est un peu complexe mais se suit très facilement. On a plusieurs situations simultanées qui se côtoient et se chevauchent, prenant pour cadre commun une forêt mystérieuse remplie d’êtres surnaturels.
‘De l’audace, c’est précisément ce dont fait preuve l’équipe de la pièce proposée, et qu’il faut voir absolument.’
Il y a d’abord Thésée le duc d’Athènes qui organise son mariage très prochain avec Hyppolyta. Il y a deux jeunes filles et deux jeunes garçons dont les choix amoureux sont contrariés soit par la réalité, soit par un parent qui envisage une autre union. Il y a les disputes amoureuses de la fée Titania et du roi Obéron, qui use de magie par l’intermédiaire du lutin Puck. Il y a enfin un groupe de travailleurs plutôt rustres, qui préparent la représentation d’une pièce sur le thème de Pyrame et Thisbé en l’honneur du mariage du duc et de la duchesse.
Beaucoup de personnages donc, beaucoup d’actions et un vrai feu d’artifices de trouvailles toutes plus drôles les unes que les autres pour l’équipe de Michel Monty. Aucun détail n’est laissé au hasard. Les personnages, tout en restant parfaitement fidèles à la pièce originelle, sont chacun travaillés avec un humour fou, inattendu, désopilant.
‘Beaucoup de personnages donc, beaucoup d’actions et un vrai feu d’artifices de trouvailles toutes plus drôles les unes que les autres pour l’équipe de Michel Monty’
Les références à notre époque sont nombreuses. Les artisans bien québécois sont tireur de joins, remplisseur de nids de poules ou traceur de lignes jaunes… Hippolyta qui ressemble à une jument renfrognée n’a pas l’air si heureuse d’épouser son petit duc. Égée, le père d’Helena, l’une des deux jeunes filles, souffre d’insuffisance respiratoire, ce qui ne l’arrange pas quand il se fâche contre sa fille. Démétrius dont est éprise Helena a des allures de mafieux plutôt vulgaire, voire pire… Lysandre et Hermia ressemblent à des campeurs indescriptibles. Quant à Puck, le lutin espiègle qui apparait et disparait comme par magie, il est amateur de rats vivants qu’il braconne dans sa forêt humide, infestée de moustiques, où traine quelque vieille carcasse de voiture abandonnée…
Les décors permettent des actions qui ajoutent à la drôlerie. Les personnages sont non seulement très travaillés mais interprétés avec brio. La mise en scène est parfaitement ajustée aux mille péripéties et occasions de rire. Le texte de Shakespeare est préservé dans sa beauté et sa finesse. Le rythme fait passer le tout en un éclair et l’on sort de la pièce de bonne humeur, en aillant envie de se souvenir de tout pour en sourire encore.
‘Les décors permettent des actions qui ajoutent à la drôlerie. Les personnages sont non seulement très travaillés mais interprétés avec brio.’
Impossible de décrire tous les détails et inventions géniales qui ont inspiré cette belle réalisation de la pièce. C’est une vraie réussite. Et on aimerait que toutes les pièces proposées fassent preuve d’autant de soin et d’inventivité, d’autodérision, d’intelligence et aussi de modestie dans leur réalisation.
Le Songe d’une Nuit d’été
Une pièce de William Shakespeare
Traduction, adaptation et mise en scène Michel Monty
Avec Marc Béland, Bénédicte Décary, Xavier Bergeron, Vicky Bertrand, Guillaume Chouinard, Justin Laramée, Marilou Maheux, Olivier Morin, Parfaite Moussouanga, Caroline Payeur, Mathieu Quesnel, Guillaume Tremblay
Assistance à la mise en scène Elaine Normandeau
Décors Loïc Lacroix Hoy
Costumes Marc Senécal
Éclairages Marie-Aube St-Amand Duplessis
Accessoires Félix Plante
Musique Lefutur
Chorégraphies Marilou Maheux
Maquillages et coiffures Sylvie Rolland Provost
Le Songe d’une Nuit d’été
du 12 mars au 12 avril 2025
au Théâtre du Rideau Vert à Montréal
Images : Ève B. Lavoie
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Sophie Jama est titulaire d’un doctorat en anthropologie et d’une maîtrise en littérature comparée. Elle a publié plusieurs ouvrages au Québec et en France. Depuis une quinzaine d’années, elle couvre la scène culturelle montréalaise en matière de théâtre, de danse, de cirque et autres arts vivants.
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